Le cri d’alarme de médecins contre l'exposition précoce à la pornographie

Plusieurs professionnels de santé exigent une meilleure application de la loi sur la protection des mineurs.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
21% des 14-24 ans regarderaient du porno au moins une fois par semaine. © r.nial.bradshaw on VisualHunt.com - Vidéo : entretien avec le Dr Yann Rouquet, gynécologue obstétricien et trésorier du fonds pour la santé des femmes
21% des 14-24 ans regarderaient du porno au moins une fois par semaine. © r.nial.bradshaw on VisualHunt.com - Vidéo : entretien avec le Dr Yann Rouquet, gynécologue obstétricien et trésorier du fonds pour la santé des femmes

"Je suis surpris que l’on s’étonne de la violence faite aux femmes aujourd’hui sans s’attaquer aux racines du mal", déclare le Pr Israël Nisand, gynécologue et président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof). Avec plusieurs professionnels de santé, il lance vendredi 15 juin un appel solennel au gouvernement pour lutter contre la diffusion massive d’images pornographiques, auxquelles les enfants sont exposés de manière extrêmement précoce. "Nous observons une inertie des politiques", poursuit le gynécologue.

"Une représentation faussée ou déviante des rapports sexuels et amoureux"

Le Cngof demande en premier lieu que la loi sur la protection des mineurs soit totalement respectée, ce qui n’est, selon eux, pas encore le cas. "Voir des images pornographiques aussi jeune constitue un traumatisme sexuel. D’habitude, on lutte pour la protection de l’enfance, et là, on ne fait rien", déplore le Pr Nisand. Pourtant, être confronté à de la pornographie très tôt peut avoir des répercussions graves sur le développement, comme l’explique une enquête Ipsos réalisée pour le Fonds actions addictions publiée le 8 juin. Cela peut provoquer "des crises d’anxiété, des troubles du sommeil, nourrir un sentiment douloureux de culpabilité et conduire à une représentation faussée ou déviante des rapports sexuels et amoureux", précise le rapport. "C’est une atteinte à la santé des femmes", ajoute le Pr Nisand.


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Le chiffres fournis par l’Ipsos donnent le tournis : 21% des 14-24 ans regarderaient du porno au moins une fois par semaine, et 46% des garçons déclarent avoir déjà visionné ce type de programme. Le Pr Israël Nisand va même plus loin : "Certains enfants sont addicts, ils regardent de la pornographie 3 heures par jours dès l’âge de 10 ans !" Pour le Cngof, il est donc indispensable de réglementer l’accès aux sites pornographiques. Pour ce faire, il propose notamment de retirer la licence ou d’infliger de lourdes amendes aux fournisseurs d’accès qui enfreindraient la loi française. Un mécanisme simple, pour le Pr Nisand : "Comment se fait-il que le gouvernement puisse lutter contre les sites pédopornogaphiques et jihadistes et qu’il ne fasse rien contre les sites pornographiques ?"

En parallèle, le Cngof estime qu’il est nécessaire de lancer une vaste campagne de sensibilisation. "Il faudrait prévenir les parents du danger de la pornographie, lutter contre les addictions au sein de l’école, y délivrer une vraie information sur la sexualité – ce qui est prévu par la loi mais peu appliqué – et conditionner l’accès à la première image pornographique via la demande d’un code de carte bleue", résume le Pr Nisand. Sans cela, il lui semble difficile d’empêcher l’accès à de tels contenus. Aujourd’hui en effet, pour n’importe quel enfant, cliquer sur "J’ai 18 ans ou plus" suffit à accéder à des images pornographiques. Pourtant, d’après l’Ipsos, seuls 7% des parents pensent que leurs enfants sont concernés.