Taïwan : des remèdes qui rendent malades

Un ingrédient toxique présent dans des remèdes traditionnels asiatiques, très populaires, serait en cause dans plus de la moitié des cas de cancer du système urinaire à Taïwan.

Setti Dali
Rédigé le

A Taïwan, les médecins traditionnels ont du soucis à se faire. Un ingrédient toxique, présent dans un traitement très répandu à base d'herbes, est impliqué dans la recrudescence des cancers du système urinaire sur l'île.

Des aristoloches pas très nets

En cause : l'acide aristolochique. Il est extrait d'une plante appartenant à la famille des aristoloches. Un ingrédient de base pour les remèdes traditionnels à base d'herbes en Asie. Il est souvent utilisé pour perdre du poids, soigner les douleurs articulaires, ou les maux d'estomac. Le problème, c'est que des chercheurs taïwanais viennent de démontrer que cet ingrédient est aussi potentiellement cancérigène pour l'homme.

L'étude a porté sur 151 patients taïwanais, atteints d'un cancer du système urinaire, et 25 autres souffrant d'un cancer du système rénal. 60 % d'entre eux ont montré une mutation dans leur ADN, spécifiquement liée à l'ingestion d'acide aristolochique. "Les lésions se concentrent principalement dans le cortex rénal, et également dans le système urinaire", démontrent les chercheurs dans leurs travaux publiés le 9 avril 2012, dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Science of The United States of America)

Cette étude épidémiologique a été menée à Taïwan, où l’incidence de cancer du système urinaire est le plus élevé au monde. Cela correspond également avec une utilisation massive dans cette région, des remèdes à base d’acide aristolochique. Et cela, depuis des années.

C'est à Taïwan que de récentes études précédentes ont démontré qu'environ un tiers de la population a ingéré de l'acide artistolochique au cours des dernières années. La prévalence des cancers du système urinaire ou des reins y est quatre fois plus élevé que dans les pays occidentaux, où l'usage de ces plantes est moins fréquent.

Un précédent dans les Balkans

Les chercheurs ont commencé à s'intéresser à cette plante il y a maintenant quelques années. L'alerte a été donné en Belgique. Là, dans les années 1990, des femmes ont présenté des insuffisances rénales importantes, alors qu'elles avaient toutes ingéré un traitement pour maigrir, à base… d'acide aristolochique.

Récemment, une autre étude a montré l'implication de cet acide dans une maladie rénale baptisée "néphrite endémique des Balkans". Cette maladie a touché dans les années 1950, des villageois en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, en Croatie, en Roumanie, et en Serbie. Tous ces villageois avaient pour point commun de cuisiner des graines issues d'une plantes de la famille des aristoloches.

En France, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) avait mis en garde dès le mois d'août 2000 sur le risque de développer un cancer des voies urinaires chez les patients ayant consommé de l'Aristolochia fangchi, la variante chinoise des aristoloches. L'article de PNAS vient étayer de statistiques cette mise en garde.

On trouve sur Internet des sites recommandant la consommation de clématites sous forme d'infusion de feuilles et de souches, dosée à 15 g par litre d'eau et consommée à raison de trois tasses par jour, pour faciliter l'accouchement, régulariser les règles, soulager l'arthrite, la goutte et les rhumatismes… avec une mise en garde en cas de surdosage.

Source : "Aristolochic acid-associated urothelial cancer in Taiwan", PNAS, le 9 avril 2012.