Comprendre l'addiction forte à l'ecstasy

Comme c'est le cas avec de nombreux produits stupéfiants, la prise répétée d'ecstasy (ou MDMA) entraîne un risque de forte dépendance après seulement quelques prises. Des chercheurs français viennent d'identifier les processus chimiques à l'œuvre dans ce processus. L'addiction à l'ecstasy présente une très forte analogie avec la cocaïnomanie.

Florian Gouthière
Rédigé le
Comprendre l'addiction forte à l'ecstasy

Il est possible de devenir "accro" à l'ecstasy et ce, après seulement quelques prises. Une équipe de chercheurs de l'Inserm et du CNRS et de l'Université Paris VI viennent d'identifier, chez la souris, les sites neuronaux en jeu dans ce processus. Leurs résultats sont généralisables à l'homme, ouvrant des pistes de recherche en terme de traitements.

Pour conduire leur étude, les scientifiques ont injecté de façon répétée de la MDMA dans l'organisme de près de 700 souris de laboratoire. A l'aide de sondes placées dans le cerveau des animaux, ils ont pu identifier la nature et la quantité des différentes substances chimiques sécrétées, lors des prises, par les différents types de neurones. Une fois déterminées les molécules produites de façon anormale, les chercheurs pourraient s'intéresser de plus près aux cellules supposées en avoir le contrôle.

Tandem de neurones

La piste suivie par les chercheurs remontait à deux types de neurones ayant la particularité de fonctionner, pour ainsi dire, en tandem : les premiers libèrent la noradrénaline, les seconds de la sérotonine. "La noradrénaline agit très rapidement, dans un temps de l'ordre de 30 millisecondes", nous explique Jean-Pol Tassin. "Face à la perception d'un événement nouveau, elle va exacerber notre vision de l'extérieur, mettre en valeur l'événement. De l'autre côté, la sérotonine aura un effet inverse : elle contrôle nos réactions face aux événements extérieurs. Elle évite la frustration et l'impulsion."

Les deux types de neurones à l'origine de la production de ces deux neurotransmetteurs forment de fait un couple indissociable. L'activation d'un type de neurone entraîne l'activation du second. "En somme, le système qui met en jeu la sérotonine nous protège, il permet au cerveau de fonctionner malgré les sollicitations de l'extérieur. Celui associé à la noradrénaline nous maintient en connexion avec le monde."

Une forte analogie avec la cocaïnomanie

A la suite d'une prise répétée de MDMA les voies par lesquelles ce couple interagit sont perturbées. L'équipe du professeur Tassin a ainsi pu observer une perte de sensibilité de certains récepteurs situés à la surface desdits neurones. Ceux-ci perdent leur capacité à réguler leur niveau d'excitation des neurones qui les portent, et l'équilibre du couple est rompu.

"Résultat, le comportement des animaux s'altère avec le nombre de prises et ils deviennent extrêmement anxieux", explique le chercheur. "Chez la souris, ce phénomène perdure au moins deux mois après la dernière prise, probablement trois." (1)

Les troubles comportementaux, sociaux ou professionnels vécus par une personne dépendante à l'ecstasy perdureront longtemps après la phase de consommation - l'insatisfaction ressentie pouvant l'inciter à poursuivre la prise de la drogue.

"Notre étude montre que chez la souris, le phénomène qui produit la dépendance à la MDMA est comparable à celui relatif à la cocaïne", explique le professeur Tassin, pour qui l'analogie autorise une extrapolation. "Toutes les drogues ne déclenchent pas d'addiction chez tout le monde. Ainsi, seules 15% des consommateurs de cocaïne sont susceptibles de devenir cocaïnomanes. Il n'y a pas encore de données épidémiologiques sur la question, mais il est probable que la proportion soit analogue avec la MDMA.

(1) Jean-Pol Tassin concède que l'extrapolation à l'homme, en terme de persistance, est une chose délicate. "En pratique, on constate que le phénomène de dépendance s'installe sur une période au moins supérieure à un an."

Source : Repeated exposure to MDMA triggers long-term plasticity of noradrenergic and serotonergic neurons, C Lanteri, J-P Tassin et al. Molecular Psychiatry 2013 doi:10.1038/mp.2013.97

 

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