Médicaments dangereux : la réaction de Bruno Toussaint (Prescrire)

Médicaments inutiles, dangereux. Dans leur dernier ouvrage, "Le guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles, ou dangereux", les Pr. Philippe Even et Bernard Debré lancent une nouvelle charge contre l'industrie pharmaceutique. Bruno toussaint, directeur de la revue Prescrire, s'est exprimé sur la polémique. Réputé pour son intransigeance vis-à-vis des lobbies pharmaceutiques, il voit la publication de cet ouvrage d'un bon oeil.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Médicaments dangereux : la réaction de Bruno Toussaint (Prescrire)

Pour Bruno Toussaint, "la grande majorité des nouveaux médicaments n'apportent rien en terme de progrès et comme il y a bien plus d'arrivées que de sorties, cela fait une forte proportion de médicaments dont on pourrait se passer". Il ajoute qu'"une grande partie des médicaments sur le marché français comme sur d'autres marchés ne sont pas très efficaces d'abord et, ensuite, font double, triple ou quadruple emploi, par rapport à ceux que l'on a déjà".

Des centaines de nouvelles molécules inefficaces, dont certaines ne sont que des répliques à peine améliorées de médicaments anciens, parfois tombés dans le domaine public et donc commercialisées sous forme de génériques... Les laboratoires pharmaceutiques peinent à trouver des molécules révolutionnaires comme ce fut le cas jadis avec la péniciline ou les antibiotiques.

L'innovation pharmaceutique serait-elle dans une impasse ? Selon Bruno Toussaint, "ce qui est dans l'impasse, c'est le modèle de la recherche clinique. Dans le système actuel, les pouvoirs publics demandent aux firmes pharmaceutiques pour autoriser la vente de leur médicament, de présenter un dossier montrant une balance bénéfice/risque acceptable, mais n'exigent pas de progrès. Alors les firmes jouent le jeu : parfois le médicament apporte un progrès, mais même si ce n'est pas le cas, le médicament est tout de même autorisé. Le système actuel permet à beaucoup de firmes d'avoir des bénéfices confortables sans qu'elles mettent sur le marché des médicaments qui apportent du progrès".

Et manifestement cette tendance risque de se poursuivre, "ce qui gouverne, c'est le marché. Il y a beaucoup de médicaments sur l'hypertension, le cancer, le diabète, l'asthme ou l'arthrose, des pathologies qui souvent ne guérissent pas et des traitements pour des millions de patients à prendre pendant des années. C'est beaucoup plus intéressant pour les firmes pharmaceutiques que de faire des efforts sur les antibiotiques que l'on va prendre huit jours une fois de temps en temps".

Bruno Toussaint considère cette charge des Pr. Debré et Even comme une bonne chose car "il y a beaucoup de choses à changer dans le domaine du médicament". "Cela a commencé à changer un peu avec le scandale Mediator, mais on est encore loin du compte. Il y a encore à notre avis beaucoup trop de médicaments sur le marché, beaucoup trop d'opacité sur les effets indésirables et trop peu d'exigence pour les nouveaux médicaments. Il y a des signes que l'agence française (du médicament, ANSM, ndlr) travaille mieux. Mais il y encore énormément à faire. Il y a des coups de gueules salutaires parfois".

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