Education : quelle est la meilleure façon d'apprendre ?

Vous apprenez une langue étrangère, vous préparez un examen ou un concours, vous êtes à l'école et vous apprenez les tables de multiplication… bref, vous devez mémoriser de nombreuses informations nouvelles. Mais quelle est la meilleure manière d'organiser ses révisions ? Comment être le plus efficace possible ? Les explications avec le Pr Laurent Cohen, neurologue.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Chronique du Pr Laurent Cohen, neurologue, du 6 mars 2014
Chronique du Pr Laurent Cohen, neurologue, du 6 mars 2014

Si vous essayez de mémoriser des connaissances, il faut évidemment les réviser plusieurs fois. Mais il vaut mieux faire plein de séances de révision espacées dans le temps, plutôt qu'une seule séance très longue. On le sait depuis plus d'un siècle : la première description scientifique de ce phénomène a été publiée en 1885 par Hermann Ebbinghaus.

Etaler ses révisions

Hermann Ebbinghaus était l'un des pères fondateurs de la psychologie expérimentale. Il a beaucoup travaillé sur la mémoire. Il apprenait lui-même par cœur des listes de dizaines de syllabes sans signification (GAC, TOF, LIB...), et mesurait la vitesse de l'oubli, etc. L'une des choses qu'Ebbinghaus a découvertes est justement cet effet d'espacement. Par exemple, il a constaté sur lui-même que pour apprendre par coeur une liste de douze syllabes, faire 38 répétitions étalées sur trois jours était aussi efficace que d'en faire 68 au cours d'une même journée.

En résumé, il vaut mieux étaler les révisions. Mais quand Ebbinghaus apprenait des listes, il se testait dans les jours suivants. On peut alors se demander si ce principe d'espacement est aussi efficace si on veut apprendre quelque chose pour une longue durée, par exemple si on travaille pour un concours qui aura lieu dans six mois, ou même si on veut apprendre une langue étrangère, et qu'on aimerait se souvenir du vocabulaire jusqu'à la fin de nos jours.

Mais dans ce cas, il faut aussi espacer les révisions. En 1993, un article a été publié par quatre auteurs américains, quatre psychologues qui s'appelaient Bahrick, Bahrick, Bahrick, et Bahrick. Il s'agissait en fait des parents et de leurs deux filles, tous psychologues professionnels. Non seulement ils étaient les auteurs de l'article, mais ils étaient aussi les seuls sujets sur lesquels portaient les expériences. Ils ont ainsi pu réaliser une expérience d'apprentissage qui s'est étalée sur neuf ans.

Les effets de l'espacement sur un apprentissage à long terme

Toute la famille a appris des listes de vocabulaire espagnol, en testant différentes durées entre les séances de révision et différents nombres de séances de révision. Ils se sont ensuite testés, entre un an et cinq ans après la fin de leur entraînement. Cette fois ils étudiaient l'effet de l'espacement sur un apprentissage à long terme.

Les Bahrick ont montré qu'ils se souvenaient mieux de leur vocabulaire espagnol si les séances de révision avaient été séparées les unes des autres de deux mois que si elles étaient séparées de un mois. Si elles avaient été séparées de quinze jours, la mémorisation était encore pire. Un peu comme chez Ebbinghaus, ils ont trouvé que treize séances de révision séparées de deux mois sont aussi efficaces que 26 séances séparées de un mois.

Cet avantage des révisions espacées vaut pour la mémoire brute mais aussi pour l'apprentissage de véritables compétences. On a montré, parmi d'autres exemples, que l'espacement favorise aussi l'apprentissage de savoir-faire mathématiques, et même de compétences chirurgicales. Mieux vaut faire une séance de microchirurgie par semaine pendant quatre semaines que quatre séances dans la même journée.

Comment améliorer les apprentissages chez les enfants ?

Le principe d'espacement marche aussi pour les petits enfants. Par exemple, chez des enfants de CP, on a montré qu'il était plus efficace de faire chaque jour trois séances de deux minutes de lecture qu'une seule séance de six minutes.

Mais quel est l'espacement idéal ? Il y a quelques années des chercheurs ont fait une grande étude portant sur plus de 1.300 sujets, à qui ils ont fait apprendre des faits réels mais méconnus. Par exemple, quel est le pays européen qui consomme le plus de nourriture mexicaine ? La Norvège… Les sujets ont eu droit à deux séances d'apprentissage et une séance de révision. Ils ont fait varier l'espace de temps entre ces deux séances, de 20 minutes à plus de trois mois. En plus, ils ont aussi fait varier le moment où les sujets étaient testés, entre une semaine et un an après la fin des révisions.

Déterminer l'espacement idéal pour vos révisions

Ils ont exploré énormément de possibilités pour essayer de trouver l'espacement idéal. Un espacement particulièrement efficace puisqu'avec un espacement idéal entre les séances d'apprentissage, les sujets arrivaient à retrouver 65% de réponses en plus aux questions, par rapport aux sujets chez qui les deux séances d'apprentissage avaient été faites immédiatement l'une après l'autre.

L'espacement idéal se situerait entre 5 et 10% du délai avant que vous ne passiez votre examen. Si votre examen est dans un an, un espacement de un mois environ est dans l'ordre de grandeur idéal. Si votre examen est dans dix jours, il vaut mieux réviser une fois par jour. Il s'agit d'un ordre de grandeur… Une conclusion intéressante concerne les stages intensifs, du genre "apprenez l'anglais en une semaine" : sur le coup, cela peut donner de bons résultats mais il y a fort à craindre que cela ne marche pas bien pour le maintien de l'apprentissage à long terme. Sauf si ensuite vous entretenez vos connaissances régulièrement.

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