Implants Essure : la piste de l’étain pour expliquer les effets secondaires

Une soudure en étain défectueuse pourrait expliquer la survenue de milliers d’effets secondaires chez les femmes porteuses de l’implant de stérilisation Essure, selon une nouvelle étude de la société Minapath.

Laurène Levy
Rédigé le , mis à jour le
Implants Essure : la piste de l’étain pour expliquer les effets secondaires

Enfin une explication aux nombreux effets secondaires des implants contraceptifs Essure ?  Cet implant de stérilisation en forme de ressort placé au niveau des trompes de Fallope a été posé à près de 200.000 Françaises entre 2002 et 2017. Près d’un millier d’entre elles ont déjà rapporté des effets secondaires.

Selon des chercheurs et médecins de la société d’analyses minéralogiques Minapath, une soudure en étain défectueuse pourrait être à l’origine de ces effets gynécologiques (douleurs pelviennes, troubles urinaires, douleurs pendant les rapports sexuels…) et systémiques (fatigue, troubles de la mémoire, troubles visuels, maux de tête…).

18 nouveaux cas analysés

Leurs travaux rendus publics le 22 décembre devraient être rapidement publiés dans une revue scientifique. Ils confirment une précédente recherche parue en avril 2020 dans l’European Journal of Obstetrics & Gynecology qui s’appuyait sur le cas de 10 femmes explantées et qui pointait déjà du doigt un possible effet de l’étain.

Dans cette nouvelle étude, les cas de 18 nouvelles patientes âgées de 36 à 56 ans ont été analysés. Ces femmes ont toutes été implantées avec le dispositif Essure puis explantées par hysterectomie (ablation de l’utérus) et salpingectomie (ablation des trompes) pour soulager les effets secondaires qu’elles avaient déclarés. Elles avaient gardé leurs implants entre 44 et 178 mois, soit environ entre 3,5 et 15 ans.

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Particules d’étain et inflammation de l’utérus

Résultat : chez 17 de ces 18 patientes, des granulomes, c’est-à-dire des amas de cellules témoins d’une inflammation, ont été détectés au niveau des trompes. Et dans l’ensemble des utérus analysés, des particules à base d’étain ont été retrouvées. "Ces particules sont intégrées dans le tissu, souvent au niveau de la paroi, généralement sous formes d’amas" écrivent les chercheurs dans leur publication.

Quelle enseignement en tirer ? Comme l’inflammation ne se limite pas aux trompes mais se propage jusqu’aux cornes et à la paroi de l’utérus, les chercheurs préconisent de ne pas se limiter au retrait des trompes en cas d’explantation, mais de "toujours réaliser une hystérectomie avec salpingectomie".

Un risque "largement sous-estimé"

Mais comment expliquer la présence d’étain dans l’utérus des patientes ? L’implant Essure comprend un ressort interne en acier inoxydable et un ressort extérieur en Nitinol (titane et nickel) pour aider à maintenir l’implant dans la trompe. Les deux ressorts sont liés par une soudure en étain. Un défaut de cette soudure ou son usure pourrait aboutir à une dissémination de particules d’étain dans les tissus utérins.

Par des réactions chimiques, ces particules pourraient elles-mêmes évoluer en particules plus toxiques, l’organoétain, suggèrent les chercheurs. Et l’ensemble des symptômes décrits par les patientes coïncident, selon les spécialistes, avec "une intoxication chronique aux organoétains".

Pour eux, "l’estimation du risque toxique" de la soudure en étain a donc été "largement sous-estimé dans les épreuves de corrosion de l’implant réalisées en 2004."

Le profil de tolérance reste "favorable" selon Bayer

Contacté par Allodocteurs.fr le 24 décembre, le laboratoire Bayer qui a fabriqué et commercialisé ces implants confirmait avoir été informé de cette nouvelle étude. Mais "Bayer ne peut commenter ses conclusions, n’ayant pas participé à l’étude et n’ayant pas eu connaissance de l’ensemble des résultats", précisait le service de presse.

Le laboratoire assure par ailleurs que "les femmes actuellement porteuses" des implants "peuvent continuer à utiliser ce dispositif" et que "le profil de tolérance favorable d’Essure reste inchangé".

Poursuivre les recherches

Le 17 décembre dernier, le ministère de la Santé annonçait la mise en place prochaine d’un registre des femmes explantées pour mieux suivre les effets secondaires.

En parallèle, les experts de Minapath comptent poursuivre leurs travaux sur un plus grand nombre de femmes pour confirmer l’hypothèse de l’étain. Un dosage de l’étain dans le sang des patientes devrait notamment permettre d’éclairer les mécanismes biologiques de la possible intoxication.