Sapiosexualité : quand l'intelligence est une attraction fatale

A l'heure où l'apparence est reine, les sapiosexuels détonnent... Davantage séduits par une joute verbale que par une plastique parfaite, ils prônent une sexualité où l'esprit stimule le désir et démultiplie le plaisir.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le
Selon l'étude sapioQ : les personnes avec un quotient intellectuel de 120 étaient jugées les plus désirables
Selon l'étude sapioQ : les personnes avec un quotient intellectuel de 120 étaient jugées les plus désirables

Si l'attirance n'a toujours pas livré la totalité de ses secrets, elle met en jeu des critères physiques, une certaine "chimie" et également des traits de caractère, dont l'intelligence. "J'ai toujours été attirée par les hommes très intelligents, parce qu'ils nourrissent mon admiration et stimulent mon esprit, estime Lucie, 39 ans. Ils démultiplient ma libido ! Et au moins, le lendemain au petit-déjeuner, ils ont quelque chose à dire..." Lucie fait partie des "sapiosexuels", un terme d'usage récent qui définit une attirance sexuelle vers les personnes qui ont de l'esprit. L'intelligence fascine certains et certaines au point d'être sur la plus haute marche du podium des qualités indispensables chez l'être aimé. Qu'elle soit littéraire, artistique, politique, scientifique, elle séduit plus sûrement que des yeux verts en amande ou des fesses fermes et elle se révèle être une arme de conquête brillante. L'art de la conversation subtile, les discussions argumentées et les réparties qui font mouche se muent en joute intellectuelle de plus en plus excitante et qui finira très sûrement dans un lit…

Une équipe de chercheurs a même mis au point un questionnaire de sapiosexualité, baptisé sapioQ en 2018. 383 étudiants âgés de 18 à 35 ans ont répondu à l'étude : les personnes avec un quotient intellectuel de 120 étaient jugées les plus désirables mais en revanche, un QI très élevé et supérieur à 135, n'était pas le niveau d'intelligence le plus attirant... D'après les auteurs, seuls 1 à 8% des étudiants étaient sapiosexuels. Toutefois, l'intelligence d'une personne, mesurée dans l'étude par le test du QI, ne prédisait pas forcément le fait qu'elle se perçoive comme sapiosexuel. 

La sapiosexualité, de la séduction au plaisir

"L'intelligence rend sexy, affirme Alexandre, 41 ans. Une belle personne stupide est anti-sexy en ce qui me concerne ! Le charisme, très attractif, peut également aller de pair avec l'intelligence ce qui est rarement le cas avec l'idiotie."  Oui, dans le monde des sapiosexuels, c'est bien l'esprit qui attise le désir et le sublime… Mais la sapiosexualité n'a rien d'un amour courtois et pur, si cher aux nobles chevaliers. Elle n'empêche pas une sexualité torride, bien au contraire. Elle la transcende et l'entretient à long terme, lorsque les feux d'artifice des premiers temps se ternissent.

"Une personne très belle mais sans rien dans la cervelle me paralyse complètement, confirme Pierre, Parisien âgé de 33 ans. Plus la personne est intelligente, plus il peut naître une complicité subtile, profonde. Et cette perspective de complicité intellectuelle nourrit la promesse de complicité dans la relation intime."

Hommes et femmes, encore une différence ?

L'attraction envers les hommes intelligents fait légion : l'éloquence séduit certain(e)s plus sûrement que des abdominaux en plaquettes de chocolat... Les conquêtes de Jean d'Ormesson furent nombreuses et ne s'expliquent pas uniquement par son regard bleu azur et son charme : ses réparties brillantes participaient, sinon prévalaient sur ces attraits physiques... Même Woody Allen au physique pourtant en dehors des canons actuels, séduisit de très jolies femmes à l'aide de ses traits d'humour percutants.

Mais l'inverse se vérifie-t-il et les femmes très intelligentes font-elles succomber leurs partenaires ? En 2015, une étude portant sur des étudiants hétérosexuels montra que certains hommes appréciaient les femmes plus intelligentes qu'eux, en théorie seulement et à condition qu'elles restent hypothétiques ! Dès lors qu'ils étaient confrontés à des étudiantes réelles qui avaient de meilleurs résultats qu'eux aux tests, les hommes les jugeaient moins attirantes et avaient moins envie de sortir avec elles... D'après l'étude, ils étaient intimidés ou se sentaient menacés. Si les résultats interrogent sur la probable persistance d'un fossé entre les deux sexes, les chercheurs concluaient qu'il était toutefois difficile de généraliser le constat.  Preuves en sont certains couples célèbres.

L'intellect, l'aphrodisiaque du couple sapiosexuel

Certains ont érigé en clé de voûte sentimentalo-sexuelle, le partage de l'intelligence : Anaïs Nin nourrissait une passion incandescente pour l'écrivain Henri Miller et leur attrait pour les lettres faisait flamber leur attirance. Le couple de Pablo Picasso et Nora Maar plaçait la peinture et la photographie, leurs arts respectifs, au cœur de leur libido et leurs échanges artistiques étayaient leur sexualité : c'est en particulier quand elle photographiait qu'il la désirait et lorsqu'il peignait qu'elle avait envie de lui.

"La stimulation intellectuelle d'un échange particulièrement intelligent procure un plaisir rare. Une personne qui a du répondant vous amène à penser plus loin et à vous dépasser, au simple fil d'une discussion, conclut Arthur, 51 ans. C'est un peu comme courir en duo, avec quelqu'un qui a un rythme de course parfait pour votre organisme..."