Rupture amoureuse : quand les réseaux sociaux s'en mêlent

A l'ère d'Internet, les ruptures amoureuses semblent plus difficiles à surmonter. Qu'on se soit fait larguer ou qu'on soit à l'origine de la rupture, l'ex est partout : Facebook, Instagram, Twitter et même Linkedin ! La rupture a-t-elle changé depuis qu'on utilise Internet ? Comment oublier son ex ? Notre psychanalyste, Fabienne Kraemer, vous répond.

La rédaction d'Allo Docteurs
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"Rupture amoureuse : quand les réseaux sociaux s'en mêlent", chronique de Fabienne Kraemer, psychanalyste, du 5 mars 2019 - Crédit photo : ©Fotolia
"Rupture amoureuse : quand les réseaux sociaux s'en mêlent", chronique de Fabienne Kraemer, psychanalyste, du 5 mars 2019 - Crédit photo : ©Fotolia

Les réseaux sociaux et le monde virtuel en général rendent plus floues les limites des comportements puisque nous avons en quelque sorte la possibilité d'avancer masqué. Il est plus facile d'envoyer un mail ou parfois même un SMS pour rompre que d'affronter en direct le désarroi de l'autre. Si l'autre souffre, se plaint et réclame des explications, vous avez désormais la possibilité de le ou la bloquer ou de la supprimer de vos amis sur Facebook...

Internet ne nous aide pas à nous responsabiliser et à affronter les réalités de la vie. Les ruptures à l'heure d'Internet ont évolué négativement sur deux aspects car elles peuvent être plus lâches qu'auparavant et aussi moins claires.

Notre ex est partout, du moins partout sur les réseaux sociaux. Au lieu de profiter de la rupture pour faire le point sur soi, on ne fait que s'apitoyer sur son sort et perdre confiance en soi. On pense qu'il/elle est déjà passé(e) à autre chose, qu'il/elle s'amuse bien mieux sans nous... Il n'est pas facile de surmonter une rupture amoureuse à notre époque !

Internet serait-il une cause de rupture ?

Dans un divorce sur cinq, Facebook est incriminé comme en partie responsable. On y "like" les photos des ex, on échange sur les réseaux sociaux avec d'autres, et tout ceci est visible plus ou moins de nos conjoints. Il est facile d'espionner l'activité sur les réseaux sociaux de notre conjoint ou de notre ex...  Est-il ou pas connecté ? À quelle heure a-t-il coupé son téléphone ? Qui suit-il ? A qui adresse-t-il ses like ?

Toutes les limites de nos relations sont devenues plus floues, c'est aussi le cas de l'infidélité. Il n'est pas rare dans les couples que l'un se sente trompé alors que l'autre n'en a pas le sentiment. Car chatter avec quelqu'un, consommer de la pornographie ou interagir avec des hôtesses dédiées aux relations sexuelles, est-ce tromper ?

Des outils pour mieux tromper

Sur le plan de l'infidélité, Internet ne s'embarrasse pas de règles de comportement et ramène tout à une notion de marché. Il existe aujourd'hui pas moins de cinq applications entièrement dédiées au marché de l'adultère.

L'infidélité est un marché juteux. 43% des Français ont déjà été infidèles, ce chiffre est en augmentation de 20 points par rapport aux années 70. 63% des Français mariés pensent qu'on peut aimer son conjoint tout en lui étant infidèle. Ce chiffre provient d'un site de rencontres extra-conjugales, qui non sans humour dit "par principe ne pas proposer de carte de fidélité". 

Le règne de la relation floue

Il existe aussi un flou entre la réalité et la virtualité de nos relations, est-ce que cela permet aussi de rompre sans rompre vraiment ? Le numérique et le virtuel ont créé un nouveau territoire qui est celui du règne de la relation floue. Auparavant pour rompre, même si on ne le faisait pas toujours élégamment, on n'entretenait en général pas de relations avec nos ex, nous n'avions pas en poche un outil dédié à générer du flou. Il y avait un avant et un après la rupture.

Aujourd'hui, comme nous sommes multi-connectés avec l'autre, nous connaissons certes comme avant son adresse et son numéro de téléphone, mais nous l'avons aussi comme ami sur les réseaux sociaux, nous correspondons aussi via Messenger ou WhatsApp. Si on ne nous parle pas, on sait qu'il ou elle continue de parler à d'autres, on a accès à ses statuts "en ligne". Les murs Facebook des uns et des autres sont remplis d'ex, et de relations plus ou moins ambiguës. 

Neuf personnes sur dix ayant vécu une rupture "espionneraient", c'est-à-dire "stalke", leur ex sur les réseaux sociaux au cours de la première année de rupture. On a difficilement trouvé mieux pour entretenir l'ambiguïté des ruptures et les souffrances du deuil.

Le phénomène du "ghosting"

Autre "création" d'internet : le "ghosting", qui fait des ravages. Issu de l'expression anglaise "ghosting", littéralement "l'action de se transformer en fantôme", il s'agit d'une rupture sans explication. Celle qu'on décrivait auparavant par "il est parti acheter des allumettes, il n'est jamais revenu". La rupture sans explication est devenue ultra-classique et de plus en plus répandue. On coupe, plus ou moins, tout contact avec l'autre sans lui fournir la moindre explication. Le plus classique, c'est une rencontre d'un soir.

Cette attitude extrêmement violente laisse place tout d'abord à l'attente douloureuse, puis petit à petit devant un silence prolongé, on commence à se demander si on ne serait pas "ghosté" par hasard. Comme cette pratique se répand de plus en plus et est évoquée dans les médias, le "Ghoster" se dit que l'autre va comprendre puisque "cela se fait". Des dizaines de femmes et d'hommes décrivent être victimes de ce phénomène.

Entre simple espionnage et harcèlement, il n'y a qu'un pas

La cruauté d'une rupture, c'est qu'il s'agit d'une décision unilatérale qui concerne le couple et la relation de partage. Celui qui est éconduit doit affronter la douleur de la séparation, il ou elle doit s'y résoudre. Face à la souffrance de l'abandon, on peut ressentir un désir de rentrer en contact avec l'autre. On pense que cela peut amortir la douleur. On peut alors se transformer en harceleur.

Huit fois sur dix en cas de rupture à l'heure des réseaux sociaux, cela passe par une phase plus ou moins longue de harcèlement. On cherche certes à comprendre mais on espère aussi que l'autre change d'avis. Au point de créer la notion de cyberharcèlement. Les méthodes sont diverses : harceler de messages, de SMS, mais aussi diffuser des images compromettantes qu'on aurait de lui ou d'elle, d'autres créent des faux profils pour tenter d'approcher la personne. D'autres, enfin, profèrent des insultes, des menaces, ou font courir des rumeurs. Au royaume des lâches, tout est permis...

Le cyberharcèlement est puni par la loi article 222-33-2-2 du Code pénal. Il est conseillé de déposer une main courante à la police si on est harcelé par quelqu'un.

Internet peut aussi favoriser des relations de qualité

Les nouvelles technologies nous permettent aussi surtout de rencontrer des personnes qu'on n'aurait jamais eu la chance de rencontrer, partout dans le monde. Elles aident à sortir de l'isolement, à entretenir des contacts, à retrouver des connaissances et globalement, à se sentir moins seul quand on l'est. On y trouve aussi une foule de renseignements pour nous aider à mieux réussir nos vies sentimentales.

On peut espérer que dans les décennies à venir, une fois l'engouement des débuts passés, nous utiliserons Internet uniquement pour favoriser des relations de qualité. Cela passera immanquablement par une forme d'hygiène de son usage et la priorité donnée à la qualité des moments passés ensemble.