L'effet nocebo, le côté obscur de l'effet placebo

Avaler un comprimé de sucre peut aider à dormir si l'on pense prendre un somnifère… ou provoquer une terrible migraine si cet "effet secondaire" a été annoncé comme potentiellement associé à la prise de ce "médicament". Il s'agit alors de l'effet nocebo, le côté obscur de l'effet placebo.

Géraldine Zamansky
Rédigé le , mis à jour le
L'effet nocebo, le côté obscur de l'effet placebo

"L'effet nocebo peut produire une vraie maladie", constate le Pr Jean-François Bergmann, chef du service de médecine interne de l'hôpital Lariboisière. Nocebo ? Mot latin signifiant "je nuirai", à l'opposé de placebo, "je plairai"… C'est-à-dire que le simple fait de s'attendre à des effets secondaires négatifs peut favoriser leur survenue.

"J'ai moi-même organisé une étude sur la fatigue qui serait provoquée par les antibiotiques - alors que c'est la pathologie à l'origine de la prescription qui en est responsable", poursuit-il. "Parmi les personnes en bonne santé qui ont participé, il y avait une interne qui a fait un rash urticarien diffus (éruption cutanée ndlr)… alors qu’elle prenait le placebo."

Des patients atteints de sclérose en plaques ont eux accepté d'aider à l'évaluation des effets secondaires du traitement par interféron. "23% des maladies qui recevaient du sérum physiologique ont développé la réaction fébrile signalée par la notice", rappelle le Pr Bergmann.

Une moindre secrétion de neurotransmetteurs

Pour comprendre, une étude publiée dans le JAMA Psychiatry (Journal of the American Medical Association) en 2008 a tenté d’illustrer les mécanismes neurologiques du nocebo – et du placebo – en suivant l’activité du cerveau de vingt personnes pendant une expérience douloureuse. Elles étaient placées dans un scanner et recevaient, ou non, un placebo théoriquement antalgique.

Les chercheurs ont constaté une baisse des sécrétions de neurotransmetteurs de type opioïdes et dopaminergiques chez les personnes qui rapportaient un effet nocebo tandis qu'ils étaient au contraire boostés du côté des "bénéficiaires" d'un effet placebo…

En attendant de comprendre en quoi nos cerveaux sont plus ou moins susceptibles d'induire des réactions positives ou négatives au début d'un traitement, d'autres chercheurs tentent au moins d'identifier les facteurs d’effet nocebo pour proposer des stratégies susceptibles de le freiner. C’est le cas d’auteurs australo-américains qui soulignaient dans le JAMA en février 2012 le poids de mauvaises expériences antérieures. Il faudrait donc mieux les prendre en compte pour préserver l'efficacité d'un médicament et minimiser la part du nocebo.

Un vrai dilemme

Mais comment ? En réduisant l'information sur les effets secondaires pour freiner leur risque de survenue ? Un arbitrage complexe résumé dans le Deutsche Artzblat International par l'équipe allemande du Pr Haüser en juin 2012 : "les médecins sont confrontés à un dilemme puisqu'ils doivent à la fois informer leurs patients des complications potentielles d'un traitement… mais aussi réduire la probabilité de ces complications, c'est-à-dire éviter de les induire à travers l'éventuel effet nocebo des informations données."

Une des solutions proposées consisterait à surtout insister sur la bonne tolérance habituelle du traitement… Ils concluent donc à la nécessité de sensibiliser à cette question les futurs médecins pendant leur formation pour qu'ils "puissent utiliser le pouvoir des mots au bénéfice de leurs patients..; plutôt qu'à leur détriment."

A chaque ordonnance, les prescripteurs doivent donc trouver l’équilibre entre un optimisme potentiellement "placebo" et une information sur la réalité des risques qui évite au patient de tomber du côté nocebo…

Etudes des références :
- "Placebo and Nocebo Effects Are Defined by Opposite Opioid and Dopaminergic Responses", Arch Gen Psychiatry. 2008;65(2):220-231. doi:10.1001/archgenpsychiatry.2007.34
- "Nocebo Effects, Patient-Clinician Communication, and Therapeutic Outcomes", JAMA. 2012;307(6):567-568. doi:10.1001/jama.2012.115
- "Nocebo Phenomena in Medicine", Winfried Häuser, Ernil Hansen, Paul Enck, Dtsch Arztebl Int 2012; 109(26): 45 (doc PDF)

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