Grève aux urgences parisiennes : « La colère et le ras-le-bol sont énormes »

Les 25 services d'accueil des urgences de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont appelés à cesser le travail. Les syndicats dénoncent des conditions de travail "insupportables".

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Le mouvement de grève entamé mi-mars après une série d'agressions à l'hôpital Saint-Antoine, dans l'Est de la capitale, a fait tache d'huile. Sud-Santé et la CGT ont déposé des préavis couvrant l’ensemble des hôpitaux de l’AP-HP pour réclamer davantage de sécurité, plus de personnel et des revalorisations de salaires.

Yann Flecher, infirmier et représentant CGT a répondu aux questions du Magazine de la santé.

  • Pourquoi avez-vous lancé ce mouvement de grève ?

Yann Flecher : "Ce mouvement est le reflet d’une colère de nos collègues des urgences. Cela a commencé effectivement cet été à Saint-Antoine, mais il y a eu l’épisode l’été dernier à Lariboisière également… Cela fait plusieurs fois que l’on tire la sonnette d’alarme. Là, la colère et le ras-le-bol sont énormes. Ça craque de partout. Par exemple, à Lariboisière, on a dépassé les 300 passages par jour alors qu’en moyenne, on était à 230. Donc les effectifs ne suffisent plus. Nous sommes confrontés à de la violence, à de la précarité sociale. Les personnels craquent et se mettent en grève."

  • On sait bien que les urgences sont sous tension, à quoi ressemble votre quotidien ?

Yann Flecher : "Il y a une véritable souffrance chez les soignants car ils n’arrivent plus à assurer correctement leur travail. Ils rentrent chez eux avec parfois le sentiment d’avoir oublié de faire quelque chose alors qu’ils ont parfaitement fait leur travail. Ils subissent plus qu’ils ne font. Aujourd’hui, une infirmière va devoir surveiller plusieurs dizaines de patients par jour, prendre des tensions, des pouls, des constantes. Un brancardier va transporter beaucoup de patients vers d’autres services et cette charge de travail s’accroît de jour en jour, de mois en mois, d’année en année puisque le constat date d’il y a au moins dix ans. Il y a eu des plans mis en place, visiblement ça n’a pas fonctionné. Un nouveau plan a été mis en place, discutions-en !"

  • Que réclamez-vous ?

Yann Flecher : "On demande plus de moyens humains. Martin Hirsch (NDLR : directeur général de l’AP-HP) nous a répondu qu’il rajoutait immédiatement 45 équivalents temps plein, mais nous ne savons pas la forme que ça va prendre, est-ce que ce sera des infirmiers ? Des aides-soignants ? Nous ne le savons pas encore. Mais c’est encore insuffisant : ça fait à peine deux emplois par service d’urgence."

  • Il faut aussi plus de sécurité aux urgences ?

Yann Flecher : "Il y a encore eu une agression hier soir à La Pitié-Sâlpétrière. C’est tous les jours. Il faut plus de sécurité dans les services d’urgence. Mais est-ce qu’elle doit être assurée par les agents de sécurité ? Pourquoi ne pas mettre aux urgences des médiateurs sociaux, des médiateurs de rue qui ont l’habitude de rencontrer ces populations en souffrance, dans la précarité. L’agent de sécurité a une mission de dissuasion mais lorsqu’un agent se fait agresser, c’est toute la chaîne de soignants qui va mal. Il nous faut aussi des personnels sociaux pour détendre les choses."

  • Cela fait vingt ans que les urgences ne vont pas bien, est-ce que selon vous il ne faut pas un grand projet pour changer la donne ?

Yann Flecher : "Ce qui dysfonctionne c’est l’aval des urgences, les lits où on va mettre les patients après mais aussi l’amont. Dans certains quartiers, par exemple, chez moi dans le 10 e arrondissement, les patients viennent aux urgences par manque de médecins. Donc il faut des états généraux à l’échelle nationale de la prise en charge des patients aux urgences. Il faut sortir de la simple vision parisienne, c’est dans toute la France que cela dysfonctionne."