Les masseurs-kinésithérapeutes seront-ils bientôt trop nombreux ?

Selon une étude publiée ce mardi 24 juillet 2018 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le nombre de masseurs-kinésithérapeutes devrait augmenter "plus vite que les besoins".

La rédaction d'Allo Docteurs
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Les masseurs-kinésithérapeutes seront-ils bientôt trop nombreux ?

À une époque où la France manque de médecins, les masseurs-kinésithérapeutes, eux, pourraient bientôt être trop nombreux. Déjà en forte hausse depuis le début du siècle, leurs effectifs devraient bondir de 57% d'ici 2040, "soit bien plus que les besoins de soins", prévient la Drees dans une étude publiée mardi.

Une offre bientôt plus forte que la demande

Si la France comptait 85.000 kinés début 2016, c'est-à-dire 61% de plus qu'en 2000, ils devraient être 133.000 en 2040, selon les calculs du service statistique des ministères sociaux. Une hausse nettement supérieure à celle de la population française (+ 9% entre 2016 et 2040).

Même en tenant compte du vieillissement et des "besoins de soins" qui en découleront, la "densité standardisée" de kinés progressera tout de même de 20%. Cela suppose toutefois que le nombre de places disponibles dans les instituts de formation reste stable à environ 2.750 par an, après avoir doublé entre 2000 et 2016.

Une arrivée massive de diplômés à l'étranger

Selon l'étude de la Drees, outre le maintien des quotas d'entrée en institut de formation de masso-kinésithérapie, cette hausse des effectifs d'ici 2040 s'explique aussi par un maintien de flux importants de "diplômés à l'étranger" qui se situent actuellement "autour de 1.200" par an, soit quatre fois plus qu'en 2000. 33% des kinés inscrits pour la première fois auprès de l'Agence régionale de santé (ARS) en 2015 avaient obtenu leur diplôme à l'étranger, contre seulement 10% seize ans plus tôt.

"Une stabilisation de la densité serait possible si les flux de diplômés à l'étranger et les quotas diminuaient conjointement", indique la Drees.

Si les quotas constituent "un levier puissant" sur lequel peuvent peser les autorités françaises, les flux de diplômés à l'étranger sont en revanche "difficilement prévisibles" et servent souvent à contourner les quotas. Les diplômés à l'étranger sont très souvent de nationalité européenne. Au cours des trois dernières années, plus de la moitié (51%) des nouveaux inscrits avaient la nationalité française. Les autres étaient de nationalité espagnole (19% des primo-inscrits à diplôme étranger), belge (8%), portugaise (6%), polonaise (6%) ou encore roumaine (5%).

À l'hôpital, les kinés se font rares

Selon l'étude de la Drees, les masseurs-kinésithérapeutes exercent très majoritairement en libéral (80% d'entre eux en 2016, dont les trois quarts de manière exclusive) et changent peu de mode d'exercice. Les changements s'effectuent d'ailleurs plus fréquemment du salariat vers l'exercice libéral que dans l'autre sens (en moyenne, entre 2013 et 2016, 5% des salariés une année donnée sont devenus libéraux l'année suivante alors que seuls 0,5% des libéraux sont devenus salariés l'année d'après).

Conséquence majeure : l'hôpital souffre, lui, d'un manque de kinés. En cause : une moins bonne rémunération des kinés hospitaliers. À la sortie de l'école, les kinés salariés gagnent en effet 1.375 euros net par mois quand les libéraux gagnent eux plus de 3.000 euros. Un écart saisissant qui a tendance à se creuser avec les années : "Le niveau de rémunération dans le secteur public ou même privé à but lucratif ou non lucratif n'est pas adapté au niveau d'études. Et on constate une attractivité plus marquée pour le libéral", regrette Aude Quesnot, cadre de santé masseur-kinésithérapeute au centre hospitalier de Gonesse.

Pour assurer les postes non pourvus à l'hôpital, certains kinésithérapeutes libéraux font des remplacements ponctuels mais n'envisagent pas d'abandonner leur activité privée. Certains hôpitaux n'hésitent donc pas à recruter des diplômés venus de l'étranger ou à faire appel à d'autres professionnels de santé pour des soins de rééducation. Une pratique contre laquelle se bat le Conseil de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.


Reportage diffusé le 16 avril 2018