L'autisme, un excès de synapses en cause ?

Publiée dans la revue Neuron cet été, une étude américaine donne un nouvel éclairage sur la compréhension de l'autisme. Le cerveau d'enfants et d'adolescents atteints d'autisme comporterait beaucoup plus de synapses que le cerveau d'enfants sains, du fait d'un manque d'élagage du nombre de synapses. Explications.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
L'autisme, un excès de synapses en cause ?

Au cours du développement normal de l'enfant, une poussée de croissance de synapses, les liaisons entre les neurones, a lieu, en particulier dans le cortex, une région impliquée dans certains comportements autistiques. Puis à l'adolescence, un élagage se produit afin de réduire de près de la moitié le nombre de synapses. Ce processus d'élagage serait déficitaire chez les autistes, d'après l'analyse de David Sultzer, auteur de l'étude.

L'équipe de chercheurs a formulé l'hypothèse qu'un excès de synapses était en cause dans l'autisme, en partant du principe que de nombreux gènes impliqués dans cette affection régulaient le fonctionnement des synapses.

Moins de synapses chez les autistes

Les chercheurs se sont alors penchés sur la densité synaptique de cerveaux d'enfants, qui souffraient d'autisme et qui étaient décédés d'une autre cause. Ils ont étudié treize cerveaux d'enfants de 2 à 13 ans, et treize autres cerveaux d'adolescents de 13 à 20 ans (de sexe masculin afin que le facteur hormonal de la puberté ne soit pas un biais). Vingt-deux cerveaux d'enfants non autistes servaient de témoins.

Plus précisément, c'est une région impliquée dans l'autisme, la couche V de neurones pyramidaux du lobe médio-temporal supérieur, qui a été étudiée. Cette zone clé du cerveau social comporte en effet des réseaux de neurones impliqués dans les processus sociaux et dédiés à la communication.

Les chercheurs ont alors constaté qu'entre 2 et 20 ans, la densité chutait d'environ 41% dans les cerveaux témoins, contre 16% dans le cerveau des patients autistes, une chute particulièrement notable durant l'adolescence. Ils estiment que d'autres zones cérébrales que la couche V pourraient être concernées par cette chute.

Etape suivante, tenter d'expliquer ce défaut d'élagage…

Habituellement, la mort cellulaire des neurones, appelée autophagie, (et expliquant l'élagage) se fait via une voie de dégradation qui serait déficitaire dans l'autisme, et qui implique une protéine appelée mTOR. Grâce à des mutations génétiques, les chercheurs ont rendu des souris autistes et ont testé leur hypothèse. Lorsque la protéine mTOR est exprimée de façon excessive, les neurones ne sont plus capables de mourir et les cerveaux des souris souffrent d'un manque d'élagage et donc d'un excès de synapses.

On pensait jusqu'à présent que l'apprentissage était permis par l'acquisition de nouvelles synapses, or cette étude révèle que l'élimination des synapses inappropriées pourrait être aussi importante !

Une piste de traitement ?

Les chercheurs ont enfin testé un médicament, le sirolimus, donné dans le cadre de transplantation, et connu pour ses capacités à inhiber la protéine mTOR. Le processus d'élagage a été restauré et les symptômes autistiques ont disparu chez les souris traitées.

Chez les patients autistes, la même suractivité de la protéine mTOR est observée, ce qui fait supposer aux chercheurs que le même type de traitement pourrait être positif. Si le sirolimus est exclu chez les hommes du fait de ses effets secondaires, un autre traitement, agissant sur la capacité des neurones à mourir (autophagie) serait une piste de recherche intéressante. Les auteurs restent toutefois très prudents, car ils estiment que le phénomène d'élagage n'explique pas à lui seul les symptômes de l'autisme, et qu'il ne concerne pas tous les patients autistes.

Etude source : Loss of mTOR-Dependent Macroautophagy Causes Autistic-like Synaptic Pruning Deficits. Tang G, Gudsnuk K, Kuo S-H et al.  Neuron 2014, http://dx.doi.org/10.1016/j.neuron.2014.07.040

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L'autisme est un trouble du développement, qui se traduit par des troubles du comportement, des difficultés de communication et des altérations des interactions sociales.

Son origine est encore mal connue, multifactorielle et implique des facteurs génétiques. Il est quatre fois plus important chez les garçons que chez les filles.