Les dangers de la contrefaçon mondiale de médicaments

Contrefaits ou de mauvaise qualité, les faux médicaments sont de plus en plus nombreux dans certaines régions du monde. Des chercheurs mettent en garde contre ce marché parallèle, aux conséquences désastreuses : entre 100.000 et 1 million de personnes en seraient victimes chaque année.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les dangers de la contrefaçon mondiale de médicaments

Des décennies de progrès contre les maladies pourraient être détruites par l'explosion planétaire de médicaments contrefaits. Les luttes engagées contre le sida, le paludisme ou encore la tuberculose seraient menacées, selon une compilation de 17 études internationales, publiée le 20 avril 2015 dans un numéro spécial de l'American Journal of Tropical Medicine and Hygiene. Au total, plus de 40% des médicaments testés à travers le monde ne correspondent pas aux normes requises. Des traitements volontairement falsifiés, dégradés par un mauvais stockage ou encore mal emballés, qui entraîneraient le décès de 100.000 à 1 million de personnes tous les ans, selon l'une des 17 études.

Bien souvent, ces médicaments ne contiennent aucun principe actif, ce qui provoque l'échec du traitement. Mais dans 20% des échantillons analysés, l'ingrédient principal est bien là, mais en trop faible quantité, ce qui provoque à long terme des résistances (aux antibiotiques, par exemple). Des problèmes de contaminations et d'impuretés ont également été relevés. La Chine, suivie du Pérou et le l'Ouzbékistan, sont les pays les plus touchés par ce que les chercheurs appellent déjà la "pandémie mondiale de faux médicaments". Et les scientifiques ne se sont penchés, ici, que sur les points de ventes "légaux" : hôpitaux et pharmacies…

Anti-infectieux et traitement contre le sida en tête

Si globalement toutes les classes de médicaments sont concernées, ce sont les antipaludiques, les traitements contre le sida et les maladies cardiovasculaires qui sont le plus en proie à la falsification. Les pays les plus pauvres sont donc les plus touchés, même si ceux aux revenus supérieurs n'échappent pas à la vente de faux médicaments. Mais pour ces derniers, les contrefacteurs s'attaquent plutôt aux produits moins essentiels, comme les suppléments vitaminés.

L'une des études évoque la découverte d'un faux médicament antipaludéen et d'un autre de piètre qualité contre cette maladie, et qui ont, à eux seuls, provoqué 122.350 décès d'enfants africains en 2013. Au total, un tiers des traitements contre la malaria ne sont pas aux normes…

Une réglementation faible, voire inexistante

A travers ce numéro spécial, les chercheurs, surpris que peu de données existent sur l'ampleur de ce phénomène, entendent "alerter les scientifiques et les autorités publiques". Car ces brèches dans les chaînes d'approvisionnement pharmaceutiques pourraient être comblées par des politiques sanitaires plus strictes, selon eux. Dans les pays les plus pauvres, la réglementation est faible, voire inexistante, ce qui incite les contrefacteurs à agir impunément. D'autant plus que la vente de faux médicaments est un marché juteux, qui leur rapporte 75 milliards de dollars chaque année.

"Aujourd'hui, le marché global des médicaments rend difficile de discerner les productions nationales et étrangères, ce qui montre le besoin d'un mécanisme mondial de contrôle de qualité des produits pharmaceutiques, pour empêcher des malades d'être traités avec des médicaments falsifiés", explique l'ancienne directrice de l'Agence américaine des médicaments (FDA), le Dr Margaret Hamburg.

Des tragédies qui pourraient être évitées

Ce "marché global" du faux médicament entraîne, dans les faits, des conséquences aux ampleurs effrayantes. En 1995, face une épidémie de méningite au Niger, 50.000 personnes ont reçu un vaccin contrefait, provoquant la mort de 2.500 d'entre eux. La même année, un sirop pour la toux au paracétamol, contenant en réalité de l'antigel, a provoqué le décès de 89 Haïtiens. Et la liste est encore longue.

Une des études propose de mettre en place un modèle judiciaire punitif, pour tous les acteurs de la contrefaçon, avec peines de prison ferme et amendes dissuasives à la clé. Par ailleurs, de nouvelles technologies permettant de tester rapidement la qualité des médicaments commencent à voir le jour. Dans quatre des 17 études, les résultats expérimentaux de ces tests s'avérèrent encourageants.

Source : The Global Pandemic of Falsified Medicines: Laboratory and Field Innovations and Policy Implications. The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, avril 2015. doi: 10.4269/ajtmh.15-0046