Polio : "On n’est pas à l’abri de voir des maladies que l’on connaît ressurgir"

Mercredi 22 juin, les autorités britanniques ont annoncé avoir détecté des traces d'une forme de polio dérivée d'une souche vaccinale dans les eaux usées de Londres. Le Dr Benjamin Davido, infectiologue, rappelle l'importance de la vaccination et du suivi des rappels.

Muriel Kaiser
Muriel Kaiser
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Polio : "On n’est pas à l’abri de voir des maladies que l’on connaît ressurgir"

Les "isolats" ont été retrouvés "dans de multiples échantillons d'eaux usées prélevés dans une station d'épuration de Londres entre février et juin. Cette station couvre une large zone dans le nord et l'est de la capitale britannique, couvrant une population de près de 4 millions d'habitants”, précise l’agence britannique de sécurité sanitaire.  

"Il est important de noter que le virus a été isolé uniquement dans des échantillons environnementaux - aucun cas associé de paralysie n'a été détecté", a ajouté l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour autant, "toute forme de poliovirus, où qu'elle se trouve, constitue une menace pour les enfants du monde entier", alerte-t-elle. 

La poliomyélite s'attaque au système nerveux

Le virus de la polio est à l’origine de la poliomyélite, une maladie infectieuse extrêmement contagieuse qui envahit le système nerveux. Elle se manifeste par des symptômes grippaux (fièvre, fatigue, maux de tête), parfois des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres. Des paralysies irréversibles (notamment des jambes) surviennent dans 1 infection sur 200, d’après l’OMS. La contamination se fait par la bouche à partir d’eau ou d’aliments contaminés.  

Si la forme la plus connue est le poliovirus sauvage, il existe une autre forme qui peut se propager : le poliovirus dérivé d'une souche vaccinale. C’est précisément ce qui a été retrouvé à Londres. Bien que cette forme soit plus rare, elle devient plus fréquente avec les années en raison du faible taux de vaccination au sein de certaines communautés. 

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La piste de la vaccination orale

Selon les autorités britanniques, le scénario le plus probable est qu’une personne soit entrée au Royaume-Uni après avoir été vaccinée dans un autre pays, avec un vaccin antipoliomyélitique oral.

Ce dernier, administré dans quelques pays seulement comme au Nigeria, en Afghanistan et au Pakistan, "immunise en se développant dans l'intestin pendant une courte période au cours de laquelle il peut être détecté dans les selles", explique Nicholas Grassly, professeur à l'Imperial College de Londres. "Ce virus peut occasionnellement être transmis et très rarement il (...) peut provoquer une épidémie de poliovirus dérivé du vaccin". C'est pourquoi il a été abandonné dans de nombreux pays, dont la France.

Le retour de maladies éradiquées ?

Si la poliomyélite est éradiquée en France, le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré (Garches), interprète la découverte comme un signal. "Si l’on vit sur nos acquis, on n’est pas à l’abri de voir des maladies que l’on connaît ressurgir", explique-t-il. D'où l’intérêt des rappels de vaccins, qui "permettent de contenir les reprises épidémiques".

Une fois l’objectif de l’éradication atteint, "on ne peut pas relâcher la pression". En France, le vaccin est administré dans l’enfance, puis tous les 20 ans à l’âge adulte et tous les 10 ans à partir de 65 ans. Le Dr Benjamin Davido souligne qu’il est "essentiel que tous les pays puissent bénéficier de rappels réguliers". 

"De nos jours, on dispose de plus en plus d’outils de surveillance. Forcément, on va recevoir plus d’alertes. L'objectif n’est pas de se faire peur mais d’anticiper", conclut le Dr Benjamin Davido suite à la découverte des traces de poliovirus.

L’OMS juge "important que tous les pays, en particulier ceux qui ont un volume élevé de voyages et de contacts avec les pays et zones touchés par la polio, renforcent la surveillance afin de détecter rapidement toute nouvelle importation de virus et de faciliter une réponse rapide". 

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