Eradiquer l’hépatite C en France : est-ce possible ?

Neuf pays pourraient en finir avec ce virus d’ici 2030. La France ne figure pas dans cette liste, mais elle le pourrait en généralisant le dépistage et en augmentant les moyens dédiés aux traitements.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Au niveau mondial, seuls 20% des malades savent qu’ils ont contracté l’hépatite C.
Au niveau mondial, seuls 20% des malades savent qu’ils ont contracté l’hépatite C.

Ils sont neuf. Le Brésil, l’Egypte, la Géorgie, l’Allemagne, l’Islande, le Japon, les Pays-Bas, l’Australie et le Qatar devraient tous parvenir à bouter le virus de l’hépatite C (VHC), hors de leurs terres d’ici 2030, selon des experts réunis, sous l’égide de l’OMS, pour le deuxième Sommet mondial sur cette maladie.

Ces Etats ont pris les mesures suffisantes pour envisager de mettre fin à la propagation du virus. "Pour la plupart des autres pays, il sera pratiquement impossible d'atteindre ces objectifs sans l'implantation de politiques pour améliorer l'accès au diagnostic et aux traitements", explique Homie Razavi, directeur du Centre d'Analyse des Maladies (CDA), basé aux Etats-Unis.

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La France, "pionnière dans la lutte contre le VHC"

Transmis par le sang et attaquant le foie, le VHC peut entraîner la mort en cas de cirrhose ou de cancer. Une grande partie du problème réside dans l’ignorance qu’ont les séropositifs de leur condition. Au niveau mondial, seuls 20% des malades savent qu’ils ont contracté l’hépatite C, selon l’OMS. De quoi multiplier les risques de propagation.

Absente du cercle des neufs, la France combat tout de même efficacement le virus, et ce depuis plusieurs années. « La France a été pionnière dans la lutte contre l’hépatite C", rappelle le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon de Clichy. A la fin des années 90, le secrétaire d’Etat à la Santé Bernard Kouchner a mis en place un réseau de pôles de références pour le dépistage de l’hépatite. Il existe 31 centres aujourd’hui spécialisés dans cette pathologie.

Pour un dépistage universel

"Nous avons aussi eu accès très vite aux nouveaux antiviraux directs, grâce aux ATU (autorisations d’utilisations temporaires)", se souvient l’hépatologue. Ces médicaments permettent, "en deux à mois de traitements", d’éliminer le virus grâce à un comprimé par jour et avec peu d’effets secondaires. "C’est une maladie qui est curable, insiste le Pr Marcellin. Ces antiviraux permettent maintenant de guérir pratiquement 100% des patients."

Que manque-t-il alors à la France pour se débarrasser totalement du VHC ? Pouvoir identifier tous les porteurs du virus serait déjà un grand pas. Pour cela, le Pr Marcellin, fondateur et ancien président de la FPRH (Fédération nationale des pôles de référence et réseau hépatites), milite pour le "dépistage universel". "On estime à 300.000 le nombre de patients atteints d’hépatite C aujourd’hui, poursuit l’hépatologue. Plus de la moitié ont été dépistés, et parmi eux une grande partie de ces patients a été traitée et guérie." Reste donc à ce que 100% des malades soient dirigés vers les centres de soin spécialisés.

Une simple prise de sang

Ce dépistage généralisé pourrait rapidement être instauré. Il suffirait d’une sérologie après une prise de sang, une fois dans sa vie. "Il s’agit d’une maladie fréquente, silencieuse, potentiellement mortelle et dont le traitement est extrêmement efficace, énumère le Pr Marcellin. Tous les éléments sont réunis pour mettre en place le dépistage universel."

Seulement, détecter l’ennemi sans porter le coup fatal n’aurait pas grand intérêt. Aujourd’hui, "plusieurs mois" s’écoulent entre le diagnostic et la prise en charge des malades d’après l’ancien président de la FPRH. La faute au "manque de personnel des services spécialisés", affirme-t-il, tout en déplorant le "budget constant depuis des années". Ce délai entre l’annonce de la séropositivité et le traitement peut s’avérer angoissant pour les malades… qui peuvent toujours transmettre le VHC durant ce laps de temps.

Le prix des médicaments a baissé

Frein dans l’accès aux soins dans le monde, le prix des traitements est désormais moins problématique en France. Les marges gagnées par les laboratoires sont toujours gigantesques, mais l’assurance maladie couvre les besoins de tous les malades, alors qu’elle ne remboursait que les traitements pour les personnes les plus atteintes auparavant. L’avancée est récente : en avril 2017, le ministère de la Santé annonçait avoir conclu un accord avec le laboratoire Gilead pour réduire de 30% le prix du Sovaldi, l’un des principaux antiviraux pour traiter le VHC. Passant de 41.000 euros à un peu plus de 28.000, il peut être prescrit à tous les patients, peu importe le stade de leur maladie.

Richissime, Gilead n’a pas perdu grand-chose. Dans un avis rendu en janvier 2017, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) situait le "coût marginal de fabrication" de ce médicament "entre 75 et 100 euros". Les prix de ces traitements innovants (il existe deux autres médicaments efficaces en plus du Sovaldi), devraient normalement baisser, espère le Pr Marcellin, qui juge que le prix des médicaments n’est "pas l’élément bloquant" dans le projet d’éradication du VHC. Un objectif qui n’aboutira qu’à condition de dépister et de rapidement prendre en charge l’intégralité des malades de l’hépatite C.

Avec AFP

L'hépatite C est une inflammation des cellules du foie provoquée par le VHC. Identifié en 1989, on distingue six variétés de ce virus. Toutes se transmettent essentiellement lorsque le sang d'une personne infectée entre en contact avec le sang d'une personne indemne. Les personnes infectées peuvent développer des cirrhoses ou des cancers primitifs de foie.