Le virus Zika peut-il se transmettre lors d'un rapport sexuel ?

Chez l'humain, le virus Zika peut-il être transmis au cours d'un rapport sexuel ? Deux articles publiés en 2011 et 2015, relatant d'une part une transmission inexpliquée du virus d'un Nord-Américain de retour du Sénégal à sa femme, d'autre part la détection de quantité significative de virus dans un échantillon de sperme. Toutefois, au 26 janvier 2016, l'Organisation mondiale de la santé, comme les autorités sanitaires des Etats-Unis, jugent ces preuves insuffisantes pour justifier une alerte. Un nouveau cas suspect, signalé le 2 février au Texas, inquiète les autorités sanitaires des États-Unis.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Le virus Zika peut-il se transmettre lors d'un rapport sexuel ?

Alors que la lutte contre la propagation du virus Zika en Amérique du Sud s'intensifie, deux articles scientifiques publiés en 2011 et 2015 interrogent sur la possibilité d'une transmission de cet arbovirus (virus transmis par les arthropodes) par voie sexuelle.

Si l'OMS a évoqué cette hypothèse dans une communication datée du 25 janvier 2016, les arguments en sa faveur restent encore très limités.

Le cas du couple Foy

En 2008, le Dr Brian Foy, chercheur à l'Université d'État du Colorado part six semaines au Sénégal pour mener une étude sur le paludisme. Il se fait piquer par des moustiques du genre Aedes. Six jours après son retour aux Etats-Unis (neuf jours après son départ du Sénégal) il commence à présenter divers symptômes préoccupants : éruption cutanée, photophobie, maux de tête, sang dans le sperme. Quatre jours plus tard, sa femme - qui n’a pourtant pas participé au voyage d’étude - manifeste elle aussi les trois premiers signes cliniques. Des examens sanguins révèlent qu'ils sont tous deux infectés par le virus Zika. Nul doute que Brian Foy ait été infecté par des moustiques au Sénégal, mais comment expliquer que sa femme soit elle aussi atteinte ?

L'hypothèse avancée par Brian Foy dans un article publié en 2011 dans la revue Emerging Infectious Diseases est que sa femme "a pu être contaminée lors d'un rapport sexuel". Jamais la littérature scientifique n'avait, jusqu'alors, évoqué la possibilité d'une transmission d'un arbovirus par voie sexuelle chez l'humain.

L'hypothèse qu'un moustique [1] ait piqué Brian Foy, puis sa femme sur le territoire étasunien, a été jugée peu probable par le chercheur. Se référant à des données de 1958 [2], il note que le délai entre la piqûre d'un porteur de Zika par un moustique et le moment où ce virus commence à être transmissible par l'insecte (ce que l'on nomme la "période d'incubation extrinsèque") est estimé "à 15 jours", ce qui est contradictoire avec la chronologie des évènements.

Même en se référant à des travaux plus récents [3], qui révisent ce délai "autour de 10 jours", le scénario semble peu probable. Or, un individu porteur de Zika peut transmettre le virus à certains moustiques du genre Aedes dès trois jours après l'infection [4] (c'est-à-dire, pour Brian Foy, dès son retour aux Etats-Unis), mais les symptômes mettent au moins trois jours à apparaître. Sa femme aurait présenté les symptômes au minimum treize jours après son retour, et non entre dix et onze, comme le précise l’étude.

Reste une dernière hypothèse alternative non explorée par le chercheur : celle qu'un moustique porteur de Zika ait voyagé dans ses bagages [5]. Si la période d'incubation extrinsèque a débuté avant son arrivée sur le sol des Etats-Unis, le scénario d'une contamination par un vecteur connu devient plausible. Il suppose cependant que les divers délais d'incubation des patients et des vecteurs aient été, par deux fois, dans la "fourchette basse" des données épidémiologiques.

On le voit, si des suspicions légitimes existent, rien ne démontrait formellement que la contamination de l’épouse de Brian Foy se soit faite par voie sexuelle.

Le cas tahitien

Mais un article scientifique publié en février 2015 a redonné crédibilité à cette hypothèse : celui-ci décrit le cas d'un patient tahitien infecté par le virus Zika en décembre 2013. Du sang étant présent dans son sperme, des médecins ont réalisé des analyses de routine, qui ont révélé la présence d'une importante quantité de virus. Néanmoins, aucun cas de contamination n'est associé à ce cas clinique.

Le fait que ces deux articles soient les seuls suggérant une possibilité de contamination par le sperme laissent penser que, si cette voie d'infection existait, la probabilité associée serait extrêmement faible. On ne peut cependant exclure que d'hypothétiques cas de contamination sexuelle soient confondus avec des infections "classiques" par piqûre de moustique.

Pour l'heure, il n'existe aucun remède spécifique, ni aucun vaccin efficace contre le virus Zika. Les seuls traitements consistent à réduire les douleurs par la prise d'antalgiques.

Les personnes infectées doivent absolument éviter de se faire piquer pour stopper le cycle de transmission de la maladie.

Les autorités sanitaires recommandent de se protéger contre les piqûres de moustiques, y compris dans la journée, en utilisant des vêtements amples, des répulsifs, des insecticides et des moustiquaires. Les habitants des zones infestées peuvent agir en couvrant les récipients servant au stockage de l'eau (les larves de moustiques se développant dans ce milieu), mais aussi en vidant les receptacles sous les jardinières et tous les objets dans lesquels de l'eau pourrait stagner (pots, fûts, gouttières...).

Les femmes enceintes sont particulièrement à risque, puisque susceptibles de développer des malformations congénitales. Il leur est recommandé de consulter leur médecin pour assurer un suivi, si elles résident ou se rendent dans des zones où le virus est présent.

Nouveau cas très suspect au Texas le 2 février 2016

Le 2 février 2016, les autorités de santé publique du comté de Dallas, au Texas, ont fait part d'un cas de transmission du virus Zika "par contacts sexuels". Rapidement contacté par l’Agence France-Presse, un porte-parole des Centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), Tom Skinner, a précisé que  "les CDC n’[avaient] pas enquêté sur la manière dont l’infection a été transmise". Toutefois, plus tard dans la journée, le directeur des CDC, Tom Frieden, a officialisé l'infection, privilégiant fortement l'hypothèse de la contamination par voie sexuelle.

"Un voyageur qui s'était rendu au Venezuela est rentré aux Etats-Unis et a développé des symptômes d'infection par le virus du Zika tout comme la personne avec laquelle il a eu des relations sexuelles et qui n'a pas, elle, quitté le territoire américain", écrit-il.

L'hypothèse d'une contamination par un moustique (ramené dans les bagages du voyageur ou Aedes texan) n'est pas évoquée par le médecin.


[1] Des moustiques du genre Aedes (en l'occurrence, les très communs Aedes vexans) étaient bien présents dans l'environnement de son foyer lors de la contamination. L'espèce n'est toutefois pas recensée comme un vecteur du Zika.

[2] Voir : A simple technique for infection of mosquitoes with viruses; transmission of Zika virus. J.P. Boorman et coll. Trans R Soc Trop Med Hyg, 1956. doi:10.1016/0035-9203(56)90029-3

[3] Voir : Zika virus outside Africa. E.B. Hayes. Emerg Infect. 2009 doi:10.3201/eid1509.090442

[4] Voir : Questions/Réponses sur l’épidémie de virus Zika, sur le site de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes).

[5] Pas nécessairement depuis le Sénégal, puisqu'il pourrait s’agit d’un insecte qui l’aurait piqué durant une escale les trois jours précédant son arrivée sur le sol des Etats-Unis.