Arrêt cardiaque : une longue chaîne de secours

L'ancien joueur de foot David Ginola est sorti de l'hôpital le 30 mai 2016 après avoir subi un quadruple pontage suite à un malaise cardiaque survenu lors d'une rencontre sportive avec d'autres personnalités. Pour le Dr Gérald Kierzek, urgentiste, David Ginola est un rescapé qui a pu bénéficier d'une extraordinaire chaîne de secours. Explications.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

En France, chaque année, 50.000 personnes meurent prématurément d'un arrêt cardiaque. Sans prise en charge immédiate, plus de 90% des arrêts cardiaques sont fatals. Sept fois sur dix, ils surviennent devant témoin, mais moins de 20% de ces témoins réalisent les gestes de premiers secours.

Le taux de survie à un arrêt cardiaque en France est de 2 à 3%. Il est quatre à cinq fois plus élevé dans les pays où les lieux publics sont équipés en défibrillateurs automatisés externes et la population formée aux gestes qui sauvent. C'est ce concept de chaîne de survie que Cummins, un cardiologue américain, a théorisé en 1991 et nous sommes chacun un maillon.

Premiers maillons : les gestes d'urgence

Cette chaîne de survie a quatre maillons et les deux premiers sont tenus, réalisés par les témoins. Les secours organisés n'arriveront finalement qu'ensuite.

  • Premier et deuxième maillons : appeler et masser

Appeler, cela signifie reconnaître l'arrêt cardiaque. La personne s'effondre, ne répond plus et ne respire plus. Elle est en arrêt cardiaque. Il faut appeler le 15 ou le 18.

Masser, cela signifie remplacer le coeur en appuyant sur la poitrine dénudée (100 fois par minute). David Ginola a tenu à remercier tous ceux qui ont fait qu'il est encore en vie aujourd'hui. Les premiers secours ont évidemment été très importants. Les massages cardiaques prodigués par tous ses amis qui étaient sur le terrain, le Samu, les médecins et les infirmières qui ont fait tout ce qu'il fallait, ont permis de le sauver.

  • Troisième maillon : le défibrillateur

Le défibrillateur ne sert à rien sans les deux premiers maillons. Le temps d'interruption du massage doit être le plus court possible. Pendant qu'on masse, un témoin, une aide doit récupérer le défibrillateur et l'installer. L'appareil détecte le rythme (choquable ou non choquable) et délivre un choc électrique. Ces appareils équipent les stades, les lieux publics, les avions… et les ambulances de secouristes qui arrivent très vite. Cette défibrillation précoce permet aussi d'améliorer la survie.

Quatrième maillon : la réanimation médicalisée, spécialisée

Le quatrième maillon de la chaîne de survie est la réanimation médicalisée, spécialisée, avec des gestes de réanimation lourde : intubation pour oxygéner, adrénaline pour faire repartir le coeur, antiarythmique pour lutter contre la fibrillation etc. C'est le rôle du Samu, des SMUR.

Cette réanimation dure plusieurs minutes. Soit le coeur repart, soit il ne repart pas et le décès est prononcé avec un bémol actuellement puisque de plus en plus d'équipes utilisent des planches à masser automatisées qui permettent de conduire le patient à l'hôpital et de vraiment tout tenter.

La question du moment où on arrête le massage cardiaque est un véritable enjeu. Il ne faut pas s'acharner mais en même temps, il ne faut pas laisser passer une chance de survie. Il n'y a pas un critère ou un examen qui permet de dire "on continue" ou "on arrête". Il faut prendre le contexte (âge, état général, antécédents…) en compte. Le mécanisme de l'arrêt cardiaque compte également : quelle est la cause ? La cause est-elle curable, réversible ? Pour les noyés, nous continuons longtemps. Si un infarctus peut être traité, une artère débouchée, dans ce cas on va aussi continuer plus longtemps.

Des arguments décisifs et objectifs existent également : le temps de no flow (temps pendant lequel la personne n'a pas eu de gestes d'urgence, c'est-à-dire pas d'oxygène…) est capital. Dans le cas Ginola, il a bénéficié immédiatement de gestes d'urgence pour que le cerveau ne souffre pas du manque d'oxygène. Au delà de 10 minutes de no flow, le pronostic est très péjoratif. Le rythme, le taux de CO2 sont autant de paramètres qui servent aussi à prendre la décision d'arrêter ou de continuer. Une décision lourde et jamais prise à la légère.

La chaîne hospitalière

Une fois ces quatre maillons respectés, l'ensemble de la chaîne hospitalière peut intervenir : hélicoptère, réanimation, cardiologues ou chirurgiens cardiaques...

Mais si les deux premiers maillons de la chaîne sont cassés, c'est la chaîne entière qui est rompue. Et les chirurgiens cardiaques qui font un travail merveilleux ne pourraient pas exercer.