Deux molécules détournées de leur usage pour traiter la sclérose en plaques

Un antimycosique et un corticoïde autorisés pour plusieurs usages thérapeutiques se sont avérés capables de favoriser chez l'animal la production de myéline (la gaine des nerfs, qui se régénère mal dans des maladies telles que la sclérose en plaques). Selon les auteurs de l'étude, publiée dans la revue Nature, les données recueillies sont suffisantes pour justifier une expérimentation sur l'homme.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Deux molécules détournées de leur usage pour traiter la sclérose en plaques

Dans des maladies telles que la sclérose en plaques (SEP), la "gaine" de myéline qui protège les nerfs est attaquée par le système immunitaire, s'érode, et peine à se régénérer.

La myéline est produite par des cellules nommées oligodendrocytes, qui dérivent de cellules souches partiellement différenciées. Chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, ces cellules souches sont présentes à proximité des régions démyélinisées, mais ne parviennent que difficilement à se transformer en oligodendrocytes.

Des biologistes nord-américains sont partis en quête d’une substance susceptible d’améliorer (voire de restaurer) cette différenciation cellulaire. Ils ont ainsi listé des centaines de molécules candidates, dont le seul point commun était "une possibilité d’interagir, à faibles doses ; avec un système vivant ". Dans de minuscules réceptacles, ces composés chimiques ont été mis en présence de cellules souches promotrices d'oligodendrocytes (provenant de souris).

A l'issue de cette première phase, sept molécules "amélioraient la production d'oligodendrocytes matures" in vitro. L’expérience a donc été poursuive dans des cultures de cellules cérébrales humaines, et in vivo, chez de très jeunes souriceaux. Au cours de ces essais, cinq des sept substances n’ont pas confirmé leur potentiel…

Antimycosique et corticoïde

Mais deux médicaments se sont avéré capable "d’augmenter de manière significative le nombre de nouveaux oligodendrocytes et d’améliorer la remyélinisation" (notamment chez des souris dont la perte de myéline est artificiellement provoquée par un traitement à base de lysolécithine).

Le premier est le miconazole, utilisé pour traiter les mycoses (gels, sprays, lotions), et dont l’efficacité lui vaut d’être inscrit dans la "liste des médicaments essentiels" de l'Organisation mondiale de la santé. Les expériences des biologistes nord-américains montre que ce miconazole n’interagit pas avec le système immunitaire, et stimule directement les cellules productrices de myéline.

Le second médicament est le clobétasol, un corticoïde utilisé pour ses propriétés anti-inflammatoires et antiprurigineuses (anti-démangeaisons) dans le traitement de certaines dermatoses, du psoriasis et du lupus. Le clobétasol a un puissant effet immunosuppresseur, et stimule les cellules souches qui se différencient en oligodendrocytes.

Chez des souris atteintes d'encéphalomyélite auto-immune à un stade avancé, "l'administration de chacun des deux médicaments a entraîné une inversion frappante de gravité de la maladie", commentent les chercheurs dans leur étude. Surtout, les expériences réalisées in vitro sur des cellules souches humaines confirment l’amélioration de production d'oligodendrocytes. Au vu de ces résultats très prometteurs, les chercheurs espèrent pouvoir rapidement débuter une expérimentation clinique sur l’homme. L’obtention rapide des autorisations pour mener ces expériences est d’autant plus probable que les deux molécules sont déjà commercialisées.

Source : Drug-based modulation of endogenous stem cells promotes functional remyelination in vivo. F.J. Najm, P.J Tesar et coll. Nature, 20 avril 2015. doi:10.1038/nature14335

La myéline compose les gaines qui protègent les fibres nerveuses et permettent d'augmenter la vitesse de l'influx nerveux. Un déficit dans la production de myéline, voire sa destruction, peut entrainer des conséquences graves (perte de sensibilité, troubles sensoriels, paralysies).

Une démyélinisation peut être d'origine infectieuse (invasion du système nerveux central par des cellules inflammatoires), auto-immune, génétique, ou conséquente à l'emploi de certains produits chimiques.

Parmi les maladies qui provoquent une démyélinisation, on peut compter la sclérose en plaques, le syndrome de Guillain-Barré, la myélite transverse ou la maladie de Tay-Sachs. Les thérapies pour appuyer la reformation de myéline se limitent actuellement à l'utilisation d'agents anti-inflammatoires (cortisone).