Une prise de sang pour l'insuffisance cardiaque

Une prise de sang est couramment pratiquée pour diagnostiquer et évaluer l'insuffisance cardiaque. Ce suivi biologique a un rôle crucial mais il est largement méconnu du grand public. En quoi consiste-t-il ? Explications.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Une prise de sang pour l'insuffisance cardiaque

L'insuffisance cardiaque se caractérise par la difficulté d'un des ventricules à se remplir ou à éjecter le sang. "C'est le mal du siècle", s'exclame le Pr Meune, cardiologue. "C'est la seule maladie grave dont la fréquence augmente", poursuit-il, soulignant qu'aujourd'hui, un diagnostic d'insuffisance cardiaque est associé à un plus mauvais pronostic vital qu'un diagnostic de "cancer".

Cette affection touche plus de 500.000 Français. Elle s'apparente à un cœur paresseux et elle provoque des symptômes à type d'essoufflement, de fatigue, d'œdèmes ; elle s'aggrave inéluctablement. En plus d'une échographie cardiaque, le cardiologue s'aide d'une prise de sang à toutes les étapes de la maladie : dépistage, diagnostic, pronostic, suivi, choix d'un traitement agressif ou pas,… Le sang recueilli est analysé à la recherche de marqueurs biologiques grâce à une technologie de pointe.

Différents paramètres sont analysables : la numération formule sanguine évalue les cellules contenues dans le sang, telles que les globules rouges, les défenses immunitaires,… La vitesse de sédimentation signale une inflammation, la présence d'anticorps une infection, etc. D'après l'Association européenne des fabricants de produits diagnostiques, 60 à 70% des décisions médicales sont prises à partir d'un résultat issu d'un test biologique.

Les marqueurs du coeur, un rôle clé dans le diagnostic

Dans le cas de l'insuffisance cardiaque, les cellules musculaires du cœur en souffrance produisent des marqueurs biologiques : d'abord une molécule appelée ProBNP, qui se clive en deux autres au nom compliqué, le BNP et le NT-proBNP. Ce sont ces substances que le biologiste cherche dans le sang et dont il évalue la quantité. "On se sert d'abord de la prise de sang lors du dépistage de l'insuffisance cardiaque, explique le cardiologue. Le patient présente un essoufflement, un symptôme qui n'est pas spécifique et peut être d'origine cardiaque ou pulmonaire,… Les résultats biologiques nous aident à poser le diagnostic."

En dessous de 100 ng/L (nanogramme par litre de sang) de BNP et de 300 ng/L pour le NT-proBNP, le diagnostic d'insuffisance cardiaque aiguë est très improbable. A l'inverse, un niveau élevé des même marqueurs est très évocateur d’une insuffisance cardiaque aiguë et le patient sera alors pris en charge par un cardiologue. Les normes des paramètres dosés sont édictées par les sociétés savantes de cardiologie et de biologie, et la Haute Autorité de Santé. Cette dernière a édité un guide de parcours de soin dans l'insuffisance cardiaque.

Un intérêt dans le suivi et le pronostic

De plus, ce dosage joue un rôle à d'autres étapes de la prise en charge : "un niveau très élevé signe un pronostic défavorable", détaille le Pr Meune. "Une diminution après quelques jours de traitement montre l'efficacité de celui-ci. Et des dosages réguliers permettront de surveiller la maladie et de détecter rapidement une aggravation." Sur le plan économique, le dosage coûte une vingtaine d'euros, un coût acceptable selon le Pr Meune, car il permet de réduire les trop nombreuses et trop coûteuses hospitalisations des patients insuffisants cardiaques.

Cardiologue, médecin généraliste et urgentiste (lors des exacerbations) travaillent donc de concert avec le biologiste, qui est même autorisé à compléter la prescription si il a besoin de paramètres complémentaires. Cette collaboration est habituelle à l'hôpital et se développe en ville, optimisant le suivi des patients. "Bientôt, les patients pourront demander un dépistage des marqueurs cardio-vasculaires", prédit le Pr Meune. "Aujourd'hui, il doit passer par son médecin et avoir une ordonnance." Le dépistage de l'insuffisance cardiaque doit absolument être amélioré et cette maladie nécessite un diagnostic plus précoce, pour limiter son aggravation. Les marqueurs dans le sang contribueraient grandement à les optimiser...

Le biologiste, une profession méconnue

Un biologiste est forcément médecin ou pharmacien. Après l'internat, il a suivi une spécialisation en biologie d'une durée de 4 ans, formation à la fois théorique et pratique, grâce aux stages (soit 10 ans d'études). C'est lui qui contrôle et valide les résultats d'analyse biologique, en milieu hospitalier ou privé. Les examens mesurent les différents constituants des liquides biologiques que sont le sang, l'urine, le liquide céphalo-rachidien présent dans le cerveau et la moelle épinière.