Dans le monde, seules 10 à 15% des césariennes sont nécessaires

Le nombre de césariennes programmées sans raisons médicales augmente notamment chez les femmes aisées.

Maud Le Rest
Rédigé le
"Il faut sans conteste faciliter l’accès à la césarienne dans les endroits où elle n’est pas assez pratiquée", tempèrent les gynécologues
"Il faut sans conteste faciliter l’accès à la césarienne dans les endroits où elle n’est pas assez pratiquée", tempèrent les gynécologues

29,7 millions. C’est le nombre de naissances par césarienne recensées au niveau mondial en 2015, soit 21% des naissances, d’après l'OMS et de l'Unicef. A titre de comparaison, 15 ans plus tôt, ce taux était de seulement 12%. Cette augmentation concerne principalement les césariennes sans raisons médicales, réalisées dans des environnements aisés. Aussi plusieurs gynécologues ont-ils alerté sur ce qu’ils appellent une "épidémie" de césariennes dans The Lancet le 12 octobre : aujourd’hui, on estime que seules 10 à 15% des césariennes sont nécessaires sur le plan médical.

"Il faut sans conteste faciliter l’accès à la césarienne dans les endroits où elle n’est pas assez pratiquée", tempèrent les gynécologues. Cette opération permet en effet de sauver la vie de nombreux enfants et des mères elles-mêmes. "Néanmoins, il n’y a pas de preuves attestant des bénéfices de l’opération pour les femmes et les bébés qui n’en ont pas besoin", précisent-ils. D’autant qu’une césarienne n’est pas anodine. Selon la Haute autorité de santé (HAS), avec la césarienne, il existe "comme avec toute intervention chirurgicale, un faible risque de phlébite ou d’embolie". A long terme par ailleurs, on peut constater des complications lors des futures grossesses, dont "un mauvais positionnement du placenta" et une impossibilité d’accoucher par voie naturelle.

Choix personnels et facteurs financiers

Il faut cependant différencier les césariennes faites dans l'urgence de celles programmées pour raisons médicales ou pour raisons non médicales. Les auteurs de l’étude se penchent notamment sur les césariennes demandées par les mères. Comme ils l’expliquent, les raisons de ces femmes sont multiples : elles peuvent avoir peur de la douleur (en particulier dans les zones où elles ne peuvent pas avoir de péridurale), de l’incontinence ou de potentiels effets néfastes sur leur sexualité.

Pour les chercheurs par ailleurs, les violences obstétricales ont également un rôle à jouer dans le refus de certaines d’accoucher par voie naturelle. "Les mauvaises expériences en matière de suivi prénatal, […] d’interactions avec les professionnels de santé et d’accouchement créent de la méfiance envers le système médical", affirment-ils. Et cette méfiance peut, selon eux, pousser des femmes à demander une césarienne.

Les chercheurs évoquent également des facteurs financiers. Parfois, "l’activité du service de maternité sert à financer l’ensemble de l’établissement hospitalier. Si les césariennes génèrent des revenus plus importants que les accouchements par voie naturelle, il existe des incitations financières pour persuader les femmes que la césarienne est la meilleure option". Ils prennent l’exemple du Brésil, où 80 à 90% des bébés nés dans des établissements privés le sont par césarienne, contre 30 à 40% dans le secteur public.

"Il n’y a pour l’instant pas de consensus scientifique et médical sur le niveau optimal de césariennes. Cependant, il y a un quasi-consensus autour du fait que de nombreuses césariennes ne peuvent être justifiées médicalement" concluent les auteurs. En France, le taux de césarienne, estimé à 20,4% en 2016, est stable depuis 2010. Cette situation "suggère une attitude générale tendant à limiter la réalisation de cette intervention", estime le ministère de la Santé.