La pré-éclampsie : deuxième cause de décès maternel

40.000 Françaises sont concernées chaque année selon l'Inserm, mais la maladie reste très peu connue. Elle peut pourtant entraîner la mort de la mère et du fœtus.

Maud Le Rest
Rédigé le
La pré-éclampsie : deuxième cause de décès maternel
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"Vous avez le sentiment que la mort vous a soufflé dessus." A 45 ans, Céline a fait trois grossesses, et trois pré-éclampsies. La première fois qu’elle est tombée enceinte, elle n’a pas été informée des risques de développer cette pathologie. La pré-éclampsie est pourtant la deuxième cause de décès maternel en France, et cause un tiers des naissances de grands prématurés. Pour pallier ce manque de communication sur le sujet, Céline a créé l’association "Grossesse santé contre la pré-éclampsie" en février dernier.

Aucun traitement à l’heure actuelle

Cette maladie fréquente de la grossesse [1], causée par un dysfonctionnement du placenta, se caractérise par une hypertension artérielle et une augmentation de la quantité de protéines dans les urines. Aucun traitement n’existe pour le moment : une femme enceinte souffrant de pré-éclampsie doit soit subir une interruption médicale de grossesse (IMG) à moins de 22 semaines d’aménorrhée, soit une césarienne avec projet de réanimation du bébé plus tard dans la grossesse. Non prise en charge, une pré-éclampsie peut entraîner de graves complications, voire la mort de la mère.

Parmi ces complications : une éclampsie, soit une crise semblable à l'épilepsie et mortelle, une insuffisance rénale aiguë, une hémorragie cérébrale, le syndrome de HELLP [2], ou un hématome rétro-placentaire [3]. Peu connue il y a encore quelques années, cette maladie a commencé à être médiatisée grâce à la chanteuse Beyonce, qui en a souffert à la naissance de ses jumeaux.

Trop fragile, sa première fille décède

Lors de sa première grossesse, il y a huit ans, Céline fait sa première pré-éclampsie avec des complications graves, dont le syndrome de HELLP, et accouche d’une petite fille à 25 semaines de grossesse. Sa fille ne survivra pas. "Je suis retombée enceinte moins d’un an plus tard. J’étais suivie : je prenais de l’aspirine à faibles doses [4], et je surveillais ma tension" raconte la quadragénaire. Mais au huitième mois, Céline ressent des douleurs intenses : elle a un hématome rétroplacentaire. Une césarienne est donc programmée en urgence. "C’est allé très vite, mais j’ai eu beaucoup de chance : ma petite fille est née en pleine santé", se souvient Céline.

Un an plus tard, elle tombe une nouvelle fois enceinte. Cette fois-ci, en prévention, une césarienne est programmée à 36 semaines de grossesse. Mais Céline refait une pré-éclampsie. Fort heureusement, sa fille naît en pleine santé : "On a eu de la chance : dans ces cas-là, un tiers des enfants meurent, et un autre tiers deviennent handicapés…"

Des mécanismes qui restent assez obscurs

Comment expliquer que Céline ait connu trois pré-éclampsies ? S’il existe des facteurs de risque comme une grossesse multiple, une première grossesse, un diabète, une hypertension chronique ou des pathologies rénales, les mécanismes de la maladie restent assez obscurs. "Elle est multifactorielle, mais le terrain génétique semble contribuer à hauteur de 50% dans sa survenue" indique l’Inserm. Toutefois, il n’existe à l’heure actuelle aucun moyen de la dépister. Pour Céline d’ailleurs, aucune raison structurelle ne pouvait expliquer sa première pré-éclampsie. "Je n’avais pas d’antécédents d’hypertension, de diabète, de maladie auto-immune, d’insuffisance rénale…" constate la quadragénaire.

Autre problème dans la détection de la pré-éclampsie : sa forme très hétérogène. "Elle peut arriver à la toute fin de la grossesse, voire après l’accouchement. Ou dans des formes extrêmement sévères, très tôt. Dans ces cas-là, on procède à une IMG. Certaines femmes vont en réanimation, ou meurent" note le Dr Elia Azria, gynécologue-obstétricien et chef de service de la maternité Notre-Dame de Bon Secours.

Connaître des signes qui doivent alerter

Il est donc impératif pour chaque femme enceinte et son entourage de connaître des signes qui doivent alerter.  "Ca peut être des maux de tête, des petites lumières dans les yeux quand on les ferme, des sifflements auditifs…" note le Dr Azria. "Il peut aussi y avoir des œdèmes. Quand ils sont accompagnés d’une prise de plusieurs kilos en quelques jours, il faut s’inquiéter. Il y a également d’autres complications comme des douleurs dans le haut du ventre, ou un décollement placentaire" ajoute le praticien.

Problème : certains de ces symptômes sont fréquents, et ne sont pas forcément le signe d’une pré-éclampsie. D’où des retards de diagnostic. "Pour ma première grossesse, j’en avais parlé à mon médecin, il m’avait fait les gros yeux en me disant « non, vous n’avez pas d’antécédents, votre vie n’est pas en danger »", se souvient Céline. Certaines femmes, par ailleurs, ne connaissant pas la maladie, ne vont pas consulter suffisamment tôt, d’où de graves complications.

A terme, "Grossesse santé contre la pré-éclampsie" veut obtenir des fonds pour la recherche. Surtout, l’association entend informer les patientes, mais aussi l’ensemble du corps médical. Le message de Céline est clair : les femmes enceintes veulent connaître les risques qu’elles encourent : "Parlez-nous-en, on est des grandes filles !"


[1] Dans certains cas rares, la pré-éclampsie peut arriver après l'accouchement.

[2] Le syndrome de HELLP est "caractérisé par une augmentation de la destruction des globules rouges dans le foie, une élévation des enzymes hépatiques liée à une inflammation du foie, ainsi qu’une diminution du nombre des" selon l'Inserm. D'où un risque accru d’hémorragie.

[3] L'hématome rétro-placentaire est l'apparition d'un hématome qui décolle le placenta en fin de grossesse ou pendant l'accouchement.

[4] Certaines études estiment qu'une prise régulière d'aspirine à faibles doses permet de réduire le risque de pré-éclampsie.