Le Radeau de la Méduse de Géricault : une vision singulière des cadavres

Le Radeau de la Méduse est un tableau phare du XIXe siècle. Pour peindre ce naufrage, Théodore Géricault s'est notamment rendu dans un hôpital pour étudier les cadavres. Explications de notre journaliste Delphine Renault.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Déshydratation, absence de nourriture, intempéries : les naufragés vont vivre treize jours d'enfer
Déshydratation, absence de nourriture, intempéries : les naufragés vont vivre treize jours d'enfer

Le Radeau de la Méduse est l'une des oeuvres majeures de la peinture française du XIXe siècle. Pour réaliser ce tableau gigantesque de 5 mètres sur 7, Théodore Géricault s'est inspiré du naufrage d'une frégate de la marine royale, La Méduse. Un fait divers qui le fascina et le conduisit au coeur même d'un hôpital pour y étudier les cadavres.

Le naufrage de la Méduse

La Méduse est une frégate de la marine royale qui s’est échouée non loin de la Mauritanie. Les chaloupes de sauvetage étaient insuffisantes, alors l'équipage a construit un radeau pour 150 hommes. Pendant treize jours, les naufragés vont vivre l'enfer : la déshydratation, la faim, les tempêtes... Quand enfin le radeau est retrouvé, il ne reste plus que dix survivants à bord.

Théodore Géricault fait énormément de recherches et rencontre même des rescapés. Le Dr Henri Savigny et Alexandre Corréard. Il va d'ailleurs les faire poser et les placer au centre du tableau. Le peintre compose son tableau pour que le spectateur ressente ce qu'ont vécu ces hommes.

Au premier plan, au plus proche des spectateurs, se trouvent des cadavres. A droite, un cadavre dont on a l'impression qu'il sort du cadre de l'oeuvre. Son visage étant coupé par l'extrémité du tableau. Sur la gauche, un autre cadavre au teint plus verdâtre. Juste à côté, un homme en train d'agoniser. Le teint des hommes ne correspond pas à la réalité. Leur peau aurait dû être brûlée par le soleil et en décomposition à cause de la mer. Or, les peaux sont verdâtres, blafardes et même jaunâtres. On note aussi une autre incohérence. Les rescapés n'ont pas l'air amaigris alors qu'ils auraient dû l'être après treize jours passés en mer.

Cannibalisme

Le manque de réalisme dans la représentation de ces naufragés n'est pas lié à un manque de connaissance de Géricault. Au contraire. Il a beaucoup étudié les cadavres et les mourants. Il s'est même rendu à de nombreuses reprises à l'hôpital Beaujon à Paris. Il y étudie les visages des malades agonisants mais aussi les cadavres et les corps amputés. Il va même jusqu'à ramener des membres sectionnés à son atelier.

Mais si ce réalisme ne se retrouve pas dans le tableau, Théodore Géricault est un peintre romantique. Durant les treize jours de naufrage, il y a eu des scènes de cannibalisme. Et Géricault est fasciné par cette histoire. Au départ, il pense même représenter une scène de cannibalisme. Mais il a peur de choquer le public alors il abandonne l'idée et décide de représenter la fin de l'épopée quand l'espoir renaît. Mais c'est raté. Quand l'oeuvre est présentée au public, les spectateurs sont choqués et les critiques divisées. Le succès viendra plus tard et aujourd'hui, le Radeau de la Méduse est une des oeuvres les plus emblématiques du musée du Louvre.