Stimuler la croissance des cellules après une lésion de la moelle épinière

Suite à une lésion de la moelle épinière, un tissu cicatriciel se forme de part et d'autre de la blessure, séparant définitivement les cellules nerveuses. Des chercheurs ont identifié un composé chimique qui, chez la souris, permet aux neurones de croître au travers du tissu cicatriciel, permettant à l'animal de recouvrir de multiples fonctions nerveuses. Leurs travaux font l'objet d'une publication, ce 3 décembre, dans la prestigieuse revue Nature.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Croissance de cellules nerveuses sous l'effet de la molécule synthétisée par les chercheurs (source : Nature doi:10.1038/nature13974)
Croissance de cellules nerveuses sous l'effet de la molécule synthétisée par les chercheurs (source : Nature doi:10.1038/nature13974)

Les cellules nerveuses qui composent la moelle épinière transmettent les signaux nerveux issus du cerveau au reste du corps, et assurent de façon autonome l'exécution de nombreux réflexes. Toute lésion peut entraîner une paralysie.(1)

Les biologistes connaissent bien la nature du tissu cicatriciel qui se forme au niveau de telles lésions, et qui isole définitivement les neurones du reste de l'organisme. Certaines protéines produites au cœur de ce tissu entravent d'ailleurs le développement des neurones.

Des travaux ont récemment permis d'identifier les récepteurs moléculaires sensibles à ces signaux chimiques.

Encapuchonner les récepteurs

Une équipe nord-américaine (Etats-Unis et Canada) a cherché à créer en laboratoire des sortes de capuchons pour l'un de ces récepteurs. L'idée des chercheurs ? Empêcher le signal inhibiteur d'atteindre sa cible, pour offrir aux neurones une chance de croître de nouveau... et peut-être même de franchir le tissu cicatriciel !

Deux molécules ont ainsi été synthétisées. Afin de tester leur efficacité, les scientifiques ont administré, cinquante jours durant, une dose de chaque substance à deux groupes de rats présentant une compression de la moelle épinière depuis 11 semaines. Un groupe témoin a reçu, sur la même période, un placebo.

Les résultats furent spectaculaires, puisque 21 des 26 rats traités par l'une des molécules(2) ont recouvré des fonctions motrices au niveau des pattes arrière et/ou le contrôle de leur vessie.

Les chercheurs estiment que la stratégie ici développée "ouvre une nouvelle voie thérapeutique [non invasive] permettant améliorer la récupération fonctionnelle" de patients souffrant de certaines lésions. D'autres molécules doivent être expérimentées chez l'animal avant que ne soit envisagée une expérimentation sur l'homme.


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(1) Paralysie d'autant plus importante que le nombre de neurones n'ayant plus de connexion avec le cerveau est important, c'est à dire plus la lésion a lieu haut sur la colonne vertébrale.
(2) La molécule à l'origine de ce rétablissement se nomme "peptide intracellulaire sigma".

Source : Modulation of the proteoglycan receptor PTPσ promotes recovery after spinal cord injury. B.T. Lang et coll. Nature, 3 dec. 2014 doi:10.1038/nature13974