Des cellules centenaires ramenées au stade embryonnaire

Une équipe de chercheurs de Montpellier vient de réussir à rajeunir des cellules de patients centenaires. Ils ont mis au point un procédé, capable de les faire pratiquement remonter au stade de cellules souches embryonnaires. C'est-à-dire capables de constituer n'importe quel organe.

Géraldine Zamansky
Rédigé le , mis à jour le

Jusqu'à aujourd'hui, personne ne pensait pouvoir sortir les cellules dites "sénéscentes" de leur torpeur et encore moins les voir retrouver leur première jeunesse. Ces cellules caractérisent le grand âge : elles ne sont plus capables de se diviser pour assurer leur renouvellement. Mais l'équipe de Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l'Institut de génomique fonctionnelle (Inserm - CNRS - Université de Montpellier), est parvenue à complètement les "reprogrammer" en les rendant similaires aux cellules souches embryonnaires. Ces fameuses cellules "originelles" qui peuvent se transformer en cellules cardiaques, musculaires ou osseuses...

C'est l'équipe japonaise de Shinya Yamakana qui a ouvert la voie du "rajeunissement" de cellules adultes, il y a 5 ans. En y introduisant quatre gènes extérieurs, ils ont réussi à créer des cellules ayant exactement les mêmes capacités que celles de l'embryon. On les appelle les cellules souches pluripotentes induites.

Jean-Marc Lemaître explique qu'ils ont utilisé deux gènes supplémentaires pour leurs travaux sur des cellules de peau de patients centenaires. Emu, il raconte : "En quinze jours, nous les avons vues se métamorphoser, c'est vraiment fabuleux de travailler sur cette reprogrammation". Déformées par les années, les cellules sénéscentes sont effectivement très irrégulières et quatre à cinq fois plus grandes que les "jeunes".  En lieu et place de ces "ancêtres", les chercheurs ont donc obtenu une ribambelle de "nouveaux-nés" en pleine croissance. Surtout, lorsqu'ils ont fait vieillir ces quasi-cellules souches embryonnaires, elles n'ont pas retrouvé pour autant les stigmates du grand âge.

"Cela ouvre deux grandes perspectives", explique le Dr Xavier Nissan, chercheur à l'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques (I-STEM), au sein du Génopôle d'Evry. "D'abord, pour la médecine régénérative, cela permettrait, même pour des centenaires, d'obtenir des cellules de foie, de cœur, ou de tout autre organe touché par une maladie pour le traiter ! Ensuite, en étant capable d'inverser ainsi le processus du vieillissement, on devrait mieux le décrypter."

Autrement dit, toutes les maladies liées à l'accumulation de décennies comme l'arthrose, les troubles neurologiques ou même les problèmes de vue, pourraient ainsi être mieux comprises. Avec peut-être de nouvelles pistes thérapeutiques à la clef ! Une source d'espoir également réelle pour une pathologie plus rare comme la progeria sur laquelle travaille Xavier Nissan. Cette  maladie rare se caractérise par un vieillissement précoce et accéléré dramatique pour les familles touchées. Mais il reste prudent : "pour l'instant, la reprogrammation utilise des gènes du cancer pour faire proliférer les cellules… il faudrait trouver d'autres méthodes, comme des protéines, pour pouvoir ensuite les greffer en toute sécurité."

Ces travaux sont publiés dans la revue spécialisée Genes & Development, datée du 1er novembre 2011.

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