Découverte d'un gène qui oblige les deux mains à faire le même geste

En France, quelques familles souffrent de la "maladie des mouvements en miroir" : leurs mains ne peuvent pas accomplir des tâches différentes en même temps. Des chercheurs viennent d'identifier le gène responsable. Une découverte importante pour la compréhension de l'organisation des gestes au niveau du cerveau.

Géraldine Zamansky
Rédigé le
Découverte d'un gène qui oblige les deux mains à faire le même geste

"Cette recherche pourrait nous aider à mieux comprendre le système de commande qui permet aux deux mains de faire des choses différentes, sur lequel nous avons peu de connaissances aujourd'hui", explique le Dr Emmanuel Flamand-Roze. Ce neurologue au Centre de recherche de l'Institut du Cerveau et de la Moelle (CRICM) de la Pitié-Salpêtrière a coordonné les travaux publiés cette semaine sur la maladie des mouvements en miroir congénitaux dans la revue The American Journal of Human Genetics par des équipes de l'Inserm, du CNRS, de l'UPMC et de l'AP-HP .

Ils ont découvert le gène responsable de cette forme de handicap dont souffrent quelques familles en France. "Si la main droite fait quelque chose, la main gauche l'imite presque à l'identique, décrit le chercheur. Il est impossible de la maintenir immobile à moins de la bloquer en s'asseyant dessus par exemple." La maladie provoque en plus des contractions douloureuses qui empêchent les patients d'écrire beaucoup plus de deux lignes.

C'est grâce à l'aide d'une famille dont plusieurs membres doivent chaque jour compenser cette difficulté que le gène a pu être identifié. "Ce gène, le gène RAD51, a déjà été très étudié pour sa capacité à réparer l'ADN poursuit le Dr Flamand-Roze. Nous avons cherché à comprendre son rôle dans le développement du système nerveux." L'organisation des commandes des gestes se met en effet normalement très tôt en place de façon croisée, c'est-à-dire que la partie gauche du cerveau commande la partie droite du corps et réciproquement.

Un gène clef dans le développement du cerveau

En étudiant chez la souris le gène découvert, les chercheurs ont justement mis en évidence sa présence en grande quantité "au moment et à l'endroit où se produit le croisement des commandes entre le cerveau et le système moteur", décrit le neurologue. La maladie viendrait donc d'un défaut au niveau de ce croisement.

Une des hypothèses ouverte par ces travaux serait que tout commence par le "programme miroir", où les deux côtés font la même chose, comme l'illustre l'observation des tout petits. Ensuite, le développement de connexions plus complexes permettrait d'avoir des gestes différents à droite et à gauche. Autrement dit, le "gène du croisement" ne déterminerait pas tout. Et cela expliquerait pourquoi les personnes touchées ne sont pas entièrement "symétriques". "Elles développent des systèmes de compensation, explique le Dr Flamand-Roze. Et ces systèmes seraient mis en difficulté pour les mouvements des mains qui sont les gestes les plus complexes neurologiquement".

L'équipe va donc s'atteler au décryptage de ces systèmes de compensation et à l'identification précise des circuits altérés.

Mieux comprendre et traiter les maladies du mouvements

"Ces travaux ouvrent des pistes de compréhension et de traitement pour plusieurs maladies du mouvement comme les dystonies qui se traduisent par des contractions anormales, et le décryptage du "système miroir" en particulier pourrait ouvrir des pistes de rééducation pour les hémiplégies (paralysie d'un côté du corps ndlr) consécutives à un accident vasculaire cérébral", conclut le chercheur.

D'ailleurs, certaines équipes qui prennent en charge des patients hémiplégiques obtiennent déjà des résultats encourageants en mettant un miroir devant le membre sain pour "faire croire" au cerveau que le côté paralysé bouge et ainsi générer des mouvements. Cette rééducation ferait ainsi appel au "programme miroir" primitif en quelque sorte : le membre paralysé est stimulé par le mouvement de l'autre,… un peu comme dans la maladie étudiée.

 

 La "maladie du miroir", par Emmanuel Flamand-Roze