Antibiotiques : encore trop automatique&nbsp!

Face à l'émergence de bactéries dites multirésistantes, la lutte contre la prescription automatique d'antibiotiques est devenue une nécessité absolue. La France est l'un des plus gros consommateurs d'Europe, et si une baisse significative avait été observé pendant 10 ans, on remarque une nouvelle augmentation depuis 4 ans.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le , mis à jour le
Antibiotiques : encore trop automatique&nbsp!

En un demi-siècle, les antibiotiques ont augmenté l'espérance de vie de ceux qui y ont accès de plus de dix ans, soit plus qu'aucun autre traitement connu à ce jour. Comparativement, un médicament qui guérirait 100% des cancers n'augmenterait l'espérance de vie que de cinq ans.

Ce médicament est donc précieux, et très utile dans la pharmacopée d'aujourd’hui. Mais trop l'utiliser pourrait avoir des conséquences désastreuses, en provoquant la mutation des bactéries, qui deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques existants.

La bactérie, petite bête très intelligente

L'antibiotique n'est pas un médicament comme les autres. Il n'est pas destiné à guérir un symptôme ou à guérir une maladie résultant d'un désordre propre à l'organisme. Il est utilisé pour détruire les bactéries qui ont décidé de se développer dans un organisme, en provoquant ainsi une infection aux conséquences plus ou moins importantes.

Le problème des bactéries, c'est qu'elles sont particulièrement "intelligentes", et qu'elles sont capables d'évoluer, de s'adapter, pour ne plus être détruites par les antibiotiques. C'est ce qu'on appelle les bactéries multirésistantes.

Ainsi le premier effet indésirable de la prescription d'antibiotiques est de faire naître de nouvelles résistances.

Trop d'antibiotiques renforcent les microbes

Pour préserver l'efficacité des antibiotiques, un plan national a été lancé en France dès novembre 2001. De nombreuses actions ont été engagées, à l'hôpital et en médecine de ville, notamment grâce à la campagne de l'Assurance maladie : "Les antibiotiques, c'est pas automatique !". Si la baisse de la consommation a été importante, son ampleur s'est atténuée au fil des années, et une légère tendance à la hausse se dessine même depuis plusieurs années.

Malgré l'urgence connue de diminuer la consommation d'antibiotiques, la prescription reste aujourd'hui encore banalisée chez l'homme comme chez l'animal, et les Francais demeurent, malgré quelques progrès, parmi les plus gros consommateurs de ce type de médicament en Europe (trois fois plus qu'en Suisse ou aux Pays-Bas).

Les femmes consomment plus d'antibiotiques

La consommation d'antibiotiques varie selon plusieurs facteurs : l'état de santé, l'offre de soins, l'âge, ainsi que la structure familiale, le niveau d'éducation, le taux d'activité ou le niveau des revenus.

"Une femme travaillant et élevant seule ses enfants aura plus tendance à consommer des antibiotiques, explique Philippe Cavalié, de l'Agence nationale de sécurité du médicament. Et plus les enfants sont scolarisés, plus on leur prescrit d'antibiotiques."

Les femmes consomment davantage que les hommes, en particulier les jeunes femmes de 15 et 34 ans, dont la consommation est très supérieure à la moyenne nationale. Mais celle-ci se stabilise lorsqu'elles vieillissent. Le chercheur émet donc l'hypothèse que cette consommation est liée à la nécessité de retourner rapidement travailler ou de s'occuper de ses enfants, combinée à la croyance que la guérison est plus rapide avec des antibiotiques.

Il existe aussi une disparité régionale. Des régions comme les Pays-de-la-Loire ou Rhone-Alpes se situent parmi celles dont les niveaux de consommation sont les plus modérés (quoique celle-ci demeure supérieure à la moyenne européenne), tandis que d'autres comme le Nord-Pas-de-Calais et, plus généralement, les régions du nord de la France, sont celles où la consommation d'antibiotiques est la plus élevée.

Un nouveau plan national d'alerte sur les antibiotiques, s'étalant jusqu'en 2016, a été lancé en 2011. Il vise à réduire de 25% en 5 ans la consommation d'antibiotiques au niveau national. Un objectif à atteindre absolument, si l'on ne veut pas être un jour confronté à des bactéries face auxquelles nous n'aurons plus de traitement efficace.

Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire 42-43 de l'Institut de veille sanitaire (InVS)

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