À quoi servent les exhausteurs de goût ?

Les exhausteurs de goût sont des substances qui ne modifient pas le goût d'un aliment, mais augmentent l'intensité de la perception olfacto-gustative. Comment fonctionnent-ils ? Sont-ils dangereux ? On fait le point avec notre spécialiste.

Raphaël Haumont
Rédigé le , mis à jour le

Les exhausteurs de goûts n’existent pas , du moins tel qu’on l’imagine. La définition rigoureuse d'un exhausteur de goût devrait exhauster, donc augmenter l’intensité gustative d’une substance.

La perception gustative et olfactive et nos sensations proviennent de deux phénomènes  : 

  • L’excitation de nos récepteurs par des molécules sapides.
  • Le nombre de molécules présentes : détection (" il y a un goût), identification ("ça a goût de …"), puis saturation ("c’est fort ").  

Avec cette définition on comprend qu’on ne peut pas "augmenter " l’intensité perçue en bouche  car cela reviendrait à augmenter le nombre de molécules.
Si vous mangez un morceau de viande de bœuf, il n'est pas possible d'augmenter le nombre de molécules responsables de ce goût bœuf. 

Cela change, modifie mais ça n’exhauste pas. Il y a des modificateurs ou révélateurs de saveurs déjà présents, mais pas d’exhausteurs, dans le sens " amplificateurs". 

Le sel, un exhausteur de goût ? 

La plupart des arômes sont solubles dans l’huile mais pas dans l’eau, donc pas dans la salive non plus... un comble pour nos palais !

Le sel est formé de charges électriques (sodium, chlorure). Il augmente les charges électriques de la salive. Cela va donc repousser encore plus les molécules aromatiques. Les arômes les plus volatils vont donc " fuir" dans la salive, et s’évaporer au fond de la gorge.

Le sel va stimuler notre odorat : c’est un exhausteur d’odeurs et non de goûts. Un peu de sel sur un macaron au chocolat, un peu de sel sur la viande… et cela révèle les odeurs, donc notre sensation lors de la dégustation.

Le sel n’est pas un exhausteur. Prenez du café amer et sucré, goûtez-le. Mettez un peu de sel dedans et regoûtez.
La saveur sucrée semble renforcée alors que l’amertume semble être atténuée. Cela est incompatible avec la définition d’un exhausteur de goût qui devrait tout augmenter.   

Beurre, piment et gingembre...

L’expression " mettre du beurre dans les épinards" n’est pas qu’une expression. C’est hautement recommandé pour réveiller les arômes.

La plupart des composés aromatiques sont plus solubles dans l’huile que dans l’eau (et la salive). Si on met un peu de matière grasse dans les préparations, on va donc aider à dissoudre les molécules sapides.

Elles vont être mieux extraites des légumes, viandes etc… Il est vivement conseillé de mettre un peu de beurre ou d’huile d’olive dans la cuisson des légumes (carotte, épinard, navet etc…). Dans les sauces également, une noisette de beurre donne de la rondeur en bouche, et permet de mieux transférer les saveurs  entre les aliments et nos récepteurs.

La capsaïcine du piment est une molécule irritante, elle va donc créer une inflammation locale. Les bourgeons sont fortement sollicités et enflammés, ils sont alors ultra-sensibles. Leur réponse aux saveurs est renforcée. Une pointe de piment ou une râpée de gingembre frais permet de réveiller les saveurs  et cela réveille surtout les bourgeons gustatifs.

Le glutamate, kezako ?

L’industrie agroalimentaire a recours à une vingtaine de produits classés comme "exhausteurs"  : des sels E621, E622, 630 etc…. mais aussi des édulcorants (maltol E36, isomaltol E637,…).

Il faudrait faire un travail colossal de laboratoire pour savoir si ces molécules augmentent réellement toutes les saveurs en bouche, les modifient, etc.

Le plus utilisé est le monoglutamate de sodium MSG E621. C’est un sel (sodium) issu de l’acide glutamique. Un acide aminé non essentiel, le plus répandu dans la nature. Cela veut dire qu’on mange naturellement ces brins de molécules au quotidien. Cela veut aussi dire que ce n’est pas un produit artificiel comme on l’entend parfois.

Interaction glutamate et sel

C’est le Pr Ikeda qui a isolé l’acide glutamique dans des algues japonaises en 1908. Il a attribué sa saveur si particulière à la saveur " umami", qui veut dire "délicieux ". On attribue cette saveur à la 5ème saveur asiatique, avec la caricature des soupes chinoises et autres sauces.

On retrouve naturellement cette molécule dans de très nombreux produits et en quantité souvent bien plus importante que dans l’algue kombu japonaise : tomate, champignon, charcuterie affinée, fromage type parmesan (2 fois plus umami que l’algue).  

Il a été montré qu’il existe une interaction entre le glutamate et le sel, si bien que cela renforce l’impression de saveur salée et plus goûteuse.
C’est le gros problème, nous mangeons trop salé et trop sucré, notamment dans les produits ultra-transformés : soupe, biscuit, snack, plats industriels. 

Nous sommes conditionnés depuis tout petits à manger comme cela, nous cherchons des produits aux saveurs intenses, trop intenses. Il faut éviter cette addiction, car comme tout arôme ou édulcorant, le glutamate entretient notre envie de manger.  

Limiter le glutamate

Il y a toujours des effets " cocktails" entre ces sels ajoutés, les texturants, les édulcorants, les conservateurs etc… Alors pourquoi ajouter ce glutamate partout, d’autant qu’il est parfois caché sous le terme "arôme" ?

C’est une molécule naturellement présente dans des centaines de produits les plus naturels. Il y a en a même dans le lait maternel. On peut avoir une sensibilité à cette molécule, comme avec d’autres, mais ce n’est pas un poison comme on l’entend parfois aussi.  

Si les produits de saison étaient mieux cuisinés, ils seraient plus goûteux et nous n’aurions pas besoin de recourir à ces leurres. De plus, il faut habituer notre palais à manger des choses plus brutes, moins aromatisées et apprendre à révéler les saveurs naturelles des produits. La noisette de beurre, un peu de piment, une jolie réduction de sauce. Vous révélez ou concentrez naturellement les goûts , en un mot, vous cuisinez  !