Un vaccin contre l'héroïne, réalité ou fantasme ?

La consommation d'héroïne provoque une dépendance très forte et quasi-immédiate. Des scientifiques mexicains ont annoncé être proches du développement d'un vaccin contre cette drogue. Une déclaration qui relance l'espoir. A tort ou à raison ?

Héloïse Rambert
Rédigé le
Un vaccin contre l'héroïne, réalité ou fantasme ?

Un vaccin qui permettrait de soustraire les héroïnomanes à leur addiction, l'idée est plus que séduisante. Et cette idée, qui n'est pas nouvelle, revient sur le devant de la scène, après l'annonce par des scientifiques mexicains de résultats probants chez la souris.

L'équipe de recherche mexicaine dit avoir laissé de petits dépôts d'héroïne à disposition de souris "addicts". Celles qui avaient été vaccinées ont vu leur consommation de drogue s'écrouler, comme si elles se désintéressaient de la substance.

A en croire les déclarations des chercheurs, qui n'ont pour l'instant publié aucun résultat d'étude, ce vaccin (curatif, en aucun cas préventif) rendrait donc le corps résistant aux effets de l'héroïne. L'usager ne ressentirait plus le "flash" recherché, caractéristique de la prise d'opiacés. Trop beau pour être vrai ?

Le vaccin antidrogue, "arlésienne" de l'addictologie

L'idée et la recherche d'un vaccin contre les drogues ne sont pas nouvelles. Les scientifiques du monde entier ont cherché pendant plusieurs années un vaccin contre les addictions (particulièrement contre la cocaïne), mais aucun n'a été jusque là développé avec succès.

"Ce type de travail est l'arlésienne de l'addictologie et fait l'objet de débats depuis des années", confirme le Dr Xavier Laqueille, chef du service d'addictologie de l'hôpital Saint-Anne, à Paris.

Réaction immunologique

Comme nous l'explique le Dr Laqueille, deux voies thérapeutiques différentes sont possibles dans la prise en charge de l'héroïnomanie.

Il est possible d'administrer aux malades des produits de substitution, qui bloquent l'envie de consommer de la drogue. Mais ces médicaments ne sont pas sans inconvénients. "Ce sont des produits proches de la morphine qui entretiennent une dépendance aux opiacés et doivent être pris pendant de très longues années" dit-il.

Deuxième voie possible, la prise de produits antimorphiniques qui eux, ne bloquent pas l'envie de drogue, mais son effet, lorsqu'elle est consommée. "C'est sur ce modèle qu'est basé le vaccin sur lequel les toxicologues mexicains travaillent", nous explique le Dr Laqueille.

Comment fonctionnerait-il ? Véritablement comme un vaccin banal. "Le but est de créer une sensibilisation immunologique chez le patient. Donc provoquer dans l'organisme une création d'anticorps dirigés contre la substance exogène, dans ce cas l'héroïne, qui en neutraliseront les effets", précise-t-il.

Effet limité, risques sécuritaires

Une idée qui semble intéressante, en théorie, mais qui se heurte selon le Dr Laqueille à des inconvénients majeurs. D'abord un risque de voir apparaître des réactions de type allergique. Et surtout un problème d'efficacité : "Ce type de traitement peut en effet diminuer les effets ressentis de l'héroïne, par la réaction immunologique, mais pas le supprimer totalement. En effet, les anticorps ne pourront jamais être mobilisés totalement, et le toxicomane ressentira toujours quelque chose", explique le chef de service.

Une subsistance des effets qui pourrait même avoir un effet contre-productif. "Il ne faut jamais perdre de vue que, par définition, un toxicomane aime se droguer. Il pourrait facilement être amené à augmenter les doses pour contrer l'effet du vaccin", continue-t-il.

Les problèmes purement pharmacologiques se doublent donc d'un problème éthique : peut-on donner un traitement de sevrage à quelqu'un qui ne veut pas arrêter ? "Il faut accomplir un travail de longue haleine pour obtenir de la part d'un toxicomane l'envie de "décrocher" rappelle le Dr Laqueille. "Le vaccin n'aurait un intérêt que pour aider des personnes surmotivées".

Le vaccin mexicain ne sera donc certainement pas, une fois de plus, la molécule miracle contre l'addiction aux drogues dures. Mais cette molécule pourra-t-elle seulement exister un jour ? La prise en charge du problème complexe de la toxicomanie chez l'homme risque de ne jamais pouvoir se résumer à quelque chose d'aussi simple.

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