La mésothérapie sur le banc des accusés

Six patients ont porté plainte contre leur mésothérapeute, après avoir été infectés par une bactérie lors d’une séance à visée amincissante. Ce n'est pas la première fois que cette pratique, autorisée en France, fait parler d'elle pour manque d'hygiène.

Setti Dali
Rédigé le
La mésothérapie sur le banc des accusés

Ils espéraient maigrir en testant une technique alternative, la mésothérapie. Aujourd'hui, ces six patients, cinq femmes et un homme, estiment que leur vie est gâchée. Ils réclament jusqu'à 150.000 euros de dommages et intérêts à l'assureur de leur médecin. Tous auraient été infectés par une bactérie à l'issue de leur séance, qui consiste à injecter un produit à visées amincissantes, à l'aide d'un pistolet injecteur et, que le médecin aurait nettoyé avec de l'eau du robinet, selon les déclarations des victimes.

L'une des patientes, Catherine, âgée d'une cinquantaine d'années, a expliqué en marge de l'audience qu'elle a dû subir plusieurs opérations en raison d'abcès qui ont causé selon elle, 110 cicatrices affreuses. "On perd toute confiance en soi", a-t-elle expliqué, énumérant les répercussions sur sa vie affective, amoureuse et professionnelle. "Je n'ai pas pu retravailler pendant deux ans".

Qu'est-ce que la mésothérapie ?

La mésothérapie est une technique vieille de plus d'un demi siècle. Seuls les médecins ont le droit aujourd'hui de pratiquer la mésothérapie. Elle est d'ailleurs enseignée aux étudiants en médecine de 3ème cycle.

Elle consiste à injecter sous le derme, de faibles doses de médicaments, à l'aide d’une aiguille de 4 à 13 mm de long, soit manuellement ou assistée d'un pistolet injecteur électronique. Et cela en vue de traiter les douleurs chroniques, et autant de troubles allant du traitement des acouphènes à celui du zona, en passant par les infections ORL.

Depuis 15 ans, cette technique est également utilisée en médecine esthétique. Et elle connaît un succès grandissant, parce qu'elle est présentée souvent comme une alternative non chirurgicale à la liposuccion.

Une technique dangereuse ?

C'est là que le bât blesse. Car les travaux scientifiques manquent pour évaluer cette pratique à visée esthétique. Or, plusieurs effets indésirables ont été relatés. D'abord, un risque d'infection locale : certains cas particulièrement sévères ont été rapportés en France. D'autre part, il est encore impossible aujourd'hui de dire si cette pratique est efficace pour mincir. Tout cela n'est qu'hypothèse pour l'instant. C'est pourquoi l'Inserm, qui avait cherché en 2010 à évaluer l'efficacité de cette pratique en parcourant la littérature scientifique, avait conclu sur ces mots : "Il existe un réel besoin de santé publique d'évaluer ces pratiques largement répandues, non dénuées de risque". Pour l'instant, on répertorie environ 196 médecins pratiquant la mésothérapie à visée esthétique.

"Le problème, souligne Dr François Petit, chirurgien et médecin esthétique, c'est le risque infectieux. Une bactérie peut se glisser dans l'aiguille ou le pistolet, et infecter ensuite la peau". Et les exemples ne manquent pas. Il existe même un épisode épidémique de 16 cas d'infections sous-cutanées contractées dans le cadre de séances de mésothérapie pour traiter la cellulite. Certaines personnes présentaient jusqu'à 120 lésions de la peau.

Une autre histoire fait état d'une infection après une séance sur le visage. La patiente a été infectée par une bactérie qui s'était développée sur l'appareil injecteur. Le mésothérapeute l'avait mal rincé. Or, l'enquête a montré que la bactérie avait été contractée à partir d'une souche vaccinale utilisée par le médecin pour vacciner un enfant deux heures avant.

"Mal ou bien rincé, le problème n'est pas là", explique Dr Petit. "Il s'agit d'utiliser surtout un matériel stérile et à usage unique, c'est le seul moyen d'éviter une contamination". Ou alors de stériliser le pistolet injecteur. Mais cela reste impossible : "Les plastiques du pistolet vont fondre si on le place à 134°C dans un monoclave".

La pratique présente donc des risques infectieux certains. Suite à cette épidémie, un groupe d'hygiénistes avait élaboré une fiche de synthèse présentant les règles de bonne utilisation d'un pistolet injecteur. Mais les médecins ne sont obligés à rien. Pas même à suivre une formation qui leur permettrait d'obtenir une licence de certification.

Quant aux patients qui ont porté plainte contre leur médecin, devant le tribunal de grande instance de Paris, ils devront attendre le 15 avril 2013 pour connaître leur sort et celui du mésothérapeute.

Source : "Evaluation de l'efficacité de la pratique de la mésothérapie à visée esthétique", Inserm, 2010