La Listeria, nouveau vecteur en radiothérapie ?

La bactérie responsable de la très dangereuse listériose humaine pourrait-elle devenir notre principale alliée dans la lutte contre certaines formes de cancer ? Partant du constat que les souches de Listeria affaiblies étaient aisément éliminées par les cellules saines et bien plus difficilement par les cellules cancéreuses, des chercheurs nord-américains ont utilisé le bacille comme vecteur de radiothérapie. Leurs résultats, publiés le 22 avril 2013 dans les PNAS, apparaissent extrêmement encourageants.

Florian Gouthière
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La Listeria, nouveau vecteur en radiothérapie ?

Voilà plus de dix ans que Listeria monocytogenes, la bactérie responsable de la listériose humaine, intéresse au plus haut point les chercheurs en cancérologie. En effet, si des formes affaiblies du bacille peinent à infecter les cellules saines de l'organisme, elles n'ont en revanche aucun mal à infiltrer les cellules cancéreuses (plus occupées à se multiplier qu'à se défendre contre un envahisseur).

Forts de ce constat, de nombreux biologistes ont étudié le moyen de créer un vaccin thérapeutique contre certaines formes de cancer, à partir de différentes souches affaiblies du bacille. L'efficacité des procédures issues de ces recherches reste néanmoins assez limitée.

Une équipe de biologistes basée à New York suggère aujourd'hui d'utiliser la vulnérabilité des cellules cancéreuses à Listeria pour mettre en place... des radiothérapies (voir encadré). Leur idée : faire transporter des éléments radioactifs à des souches affaiblies de Listeria, aisément repoussées par les cellules de l'organisme, mais très difficilement combattues par les cellules cancéreuses.

Les chercheurs ont couplé un isotope radioactif du rhénium à la structure cellulaire de bacilles affaiblis de la listériose. Les bactéries ont ensuite été introduites dans l'organisme de rats génétiquement modifiés pour développer une forme agressive de cancer du pancréas. A l'issue de plusieurs séances de traitement, les chercheurs ont constaté une diminution du nombre de métastases de l'ordre de 90%. Parallèlement, aucun tissu sain n'est apparu lésé à la suite de la thérapie. Au vu de ces premiers résultats, les chercheurs jugent le nouveau procédé de radiothérapie particulièrement prometteur.

Source : Nontoxic radioactive Listeriaat is a highly effective therapy against metastatic pancreatic cancer. W. Quispe-Tintaya, D. Chandra, A. Jahangir, M. Harris, A. Casadevall, E. Dadachova, C. Gravekamp. PNAS, 2013. doi:10.1073/pnas.1211287110

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De nombreuses techniques de radiothérapie sont couramment utilisées. Parmi elles, la plus répandue est la radiothérapie externe, dans laquelle source de rayonnement se trouve à l'extérieur du patient. Il est également possible de traiter les tumeurs par curiethérapie, technique dans laquelle la source radioactive est en contact physique avec (ou à proximité immédiate de) la zone à traiter, de manière invasive.

Une autre technique fréquemment employée est celle de la radiothérapie interne vectorisée (ou radiothérapie métabolique). Cette méthode consiste à introduire dans l'organisme un élément radioactif qui possède une affinité particulière avec les cellules ciblées (tel l'iode, qui se fixe à la tyroïde, dont un isotope radioactif pourra cibler et irradier une tumeur localisée sur la glande).

On peut également associer l'élément radioactif à une molécule qui possède les mêmes propriétés ; introduite en quantité dans l'organisme via une gélule ou par injection, la molécule porteuse de l'élément radioactif se fixera, par affinité chimique, à la surface ou au cœur de la cellule visée.