Industrie automobile : des conditions de travail difficiles

On a tous en tête les images du film "Les Temps Modernes" dans lequel Charlie Chaplin parodie les gestes répétitifs du travail à la chaîne. Cette satire sociale de l'industrialisation renvoie à un thème aujourd'hui entré dans les mœurs : la pénibilité au travail. L'industrie automobile est un domaine qui a connu une forte évolution des conditions de travail.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Derrière les carrosseries rutilantes que l'on expose comme des œuvres d'art, on oublie souvent la sueur et la souffrance des corps qui les ont façonnées. Petit coup d'œil en arrière pour un voyage dans l'histoire de l'industrie automobile.

Au début du XXe siècle, la voiture n'en est qu'à ses prémices. Les ouvriers prennent leur temps. Ils ont la maîtrise totale de leur métier. "Chacun travaille avec soin, avec application. On travaille […] avec des outils manuels pour l'essentiel", raconte Nicolas Hatzfled, historien. Mais ce confort prend fin dans les années 1920. Les patrons changent de stratégie. "Ils se disent qu'il faut organiser les travailleurs de façon différente, qu'il faut les discipliner un peu, et utiliser des choses vues en Amérique", continue-t-il.

Taylorisme et fordisme, les références des constructeurs automobiles

À cette époque, aux Etats-Unis, le taylorisme et le fordisme font fureur. L'organisation scientifique du travail fait des ouvriers des exécutants aux ordres des ingénieurs. Les cadences s'accélèrent, les gestes sont répétitifs, et les ouvriers sont cantonnés à une seule tâche, dépossédés de leur savoir-faire.

Conquis par ces méthodes, les entreprises automobiles Renault et Citroën les appliquent sur les ouvriers français. Une réforme qui divise le monde ouvrier. "Certains ouvriers disent que cela va dans le sens du progrès, d'autres se disent que cela va être de la contrainte et va être la destruction du métier", explique le spécialiste.

La productivité fait une progression exponentielle

De quelques centaines de modèles produits par jour, il en sort désormais des milliers. Pour atteindre leurs objectifs, les ouvriers sont chronométrés. Tout le travail et la vie autour du travail sont repensés. Les journées de travail s'allongent. "On dit à des ouvriers de travailler le matin de 4h à 13h et à d'autres de 13h à 10h-10h30. Cela change beaucoup de choses dans la vie des ouvriers parce que tout le métabolisme, le moment des repas, le contenu des repas sont fortement bousculés par ces changements", explique l'historien.

Les cantines pour les ouvriers font leur apparition. Ils ne rentrent plus chez eux. On commence aussi à prendre en compte les risques liés à la pénibilité. C'est le début de la médecine du travail et des comités d'hygiène. Ils réfléchissent à des moyens de réduire les accidents.

Le Kaizen devient la nouvelle référence

Malgré ces efforts, à la fin des années 1960, les ouvriers crient leur colère. Après la tempête des années 1970, les usines doivent faire face à la crise économique des années 1980. C'est une nouvelle ère. Jusqu'à présent la référence était américaine, elle devient japonaise. Répétitivité, efficacité, productivité : c'est le modèle du Kaizen, basé sur le principe de l'amélioration continue. Dans le même temps, l'arrivée de l'informatique et des robots révolutionne les pratiques.

Avec cette cohabitation homme-machine, le paysage des chaînes de fabrication change. La sécurité des lieux et des personnes est aussi renforcée. Il aura fallu plus d'un siècle pour que soit prise en compte la santé au travail. Aujourd'hui, elle fait l'objet d'une science à part entière, l'ergonomie. Mais la souffrance des salariés n'a pas disparu pour autant.

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Qu'entend-on par pénibilité ?

On estime que la pénibilité apparaît quand les sollicitations physiques et psychiques entraînent un effort d'adaptation qui laisse des traces durables chez un individu, par exemple de la fatigue, des souffrances physiques ou morales.