La baisse de désir n'est-elle pas une fatalité ?

N'est-il pas normal de ne plus ressentir de désir après plusieurs années avec la même personne ? La relation n'évolue-t-elle pas ?

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Les réponses avec le Dr Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue, et avec le Dr Marie Veluire, gynécologue-sexologue :

"Le désir sexuel hypoactif, l'anaphrodisie ou trouble du désir, de libido, peu importe le terme que l'on donne, ce n'est pas simplement une personne qui n'a plus de désir. C'est une personne qui n'a plus de désir sexuel, qui en souffre, c'est-à-dire qui aimerait retrouver ce désir et cette absence de désir se prolonge dans le temps. Cela ne concerne pas une personne qui n'a plus de désir pendant deux ou trois semaines et que cela ne pose pas de problème. Quand on parle du trouble du désir, on parle de personnes qui ont perdu l'intérêt pour la sexualité, qui a perdu le désir sexuel sur une longue période et que cela pose problème. Cela pose problème pour la personne ou pour la relation, en général pour les deux."

"Le désir sexuel ne fonctionne pas de la même façon chez l'homme et chez la femme. Une femme peut rentrer dans une activité sexuelle sans avoir de désir et ce désir vient au fur et à mesure de l'activité selon ce qui va se passer, c'est ce qu'on appelle une circulaire alors que chez l'homme, c'est beaucoup plus linéaire : il y a d'abord du désir, puis ensuite on monte l'activité sexuelle et il y a possiblement une décharge. Sur la durée, le désir sexuel est quelque chose qui se cultive. Et si on n'y accorde pas une priorité, la sexualité dans un couple qui dure diminue et s'amenuise au fur et à mesure du temps qui passe. Entre la vie familiale avec les enfants qui sont un anti-érogène très puissant, le travail et l'usure du quotidien, si on n'anticipe pas le fait de préparer le couple, de cultiver le couple, de faire quelque chose pour qu'il y ait une relation adulte-adulte qui persiste en plus de tout le reste, c'est toujours la chose qui passe en dernier. Quand une femme a fini sa journée de travail, de s'occuper des enfants, de ranger la maison… elle a moins envie et cela devient plus compliqué. Le désir va diminuer avec le temps si on n'accorde pas et si on ne le nourrit pas."

"Quand on regarde les enquêtes qui observent les femmes, des femmes ont été observées à partir de l'âge de 45-50 ans sur une période de 15 ans, on a observé quelles étaient les femmes qui conservaient une vie sexuelle avec le temps. Et on a observé si cela était lié à des problèmes de santé, si c'était lié au fonctionnement sexuel, si c'était lié à la qualité du couple… Bien évidemment il y a toujours un lien avec ces éléments mais le lien le plus important était l'importance qu'accordait la femme à la sexualité. Une femme pour qui la sexualité est importante aura un désir qui perdure dans le temps. Une femme pour qui la sexualité n'est pas si importante, aura un désir qui diminuera avec le temps en raison de l'usure qui apparaît.

"Le couple évolue, la relation évolue mais surtout ce sont les personnes qui évoluent dans le couple. Les attentes que l'on peut avoir à 25-30 ans ne sont pas les mêmes que l'on va avoir à 35-40 ans ou à 45 ans quand les enfants sont petits, quand ils sont grands… On peut donc avoir des attentes différentes ce qui fait qu'une personne avec qui on a été et qui correspondait parfaitement à nos attentes à tel moment de notre vie, 10-15 ans plus tard peut ne pas forcément correspondre à de nouvelles attentes. On va alors dire que la relation a évolué mais il est intéressant de se poser la question à ce moment-là si on n'a pas soi-même évolué."

"Il faut savoir comment cela se passe dans la réalité. Il faut voir si cette personne a vraiment du plaisir, il faut savoir si les deux personnes fonctionnent bien sexuellement ensemble… Si ce n'est pas le cas, l'aveuglement de l'amour du départ perd un peu de sa puissance ensuite et on entre un peu plus dans la réalité et si dans la réalité, la sexualité n'est pas au top c'est difficile…"