Le harcèlement moral au travail

La psychiatre Marie-France Hirigoyen est la première à avoir donné un nom et décrit le phénomène de harcèlement moral au travail dans un livre qui a inspiré la première loi en France sur le sujet en 2002. Que faire en cas de harcèlement moral au travail ? Comment le détecter ? Qui sont les victimes ? Les explications avec Sandrine Weisz.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Le livre de Marie-France Hirigoyen publié en 1998, Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, avait rencontré un succès considérable et inattendu. Il avait révélé un phénomène de société dont on ignorait jusque-là l'ampleur dans le monde du travail. Ensuite, il y a eu une déferlante de témoignages, la médiatisation des "affaires" de harcèlement tant dans le privé que le public.

Mais si le terme de harcèlement moral est relativement nouveau, la loi également (une dizaine d'années), le phénomène ne l'est pas. Si on interroge des cuisiniers ou des boulangers sur leurs conditions d'apprentissage il y a trente ans, ils étaient déjà victimes de brimades, d'insultes, et même de coups.

Qu'est-ce que le harcèlement ?

La définition du code du travail concernant le harcèlement est la suivante : "agissements répétés qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail qui porte atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altère sa santé".

Plus simplement, le harcèlement est une conduite abusive d'une personne au travail (souvent le supérieur hiérarchique mais il peut s'agir d'un collègue) qui se traduit par des propos désobligeants, insultes, humiliations, surcharge de travail, mise au placard… C'est l'effet répétitif, sur une période relativement longue (plusieurs mois) qui définit le harcèlement.

Détecter le harcèlement moral

Il n'est pas facile de détecter le harcèlement. C'est très insidieux. Il s'agit d'une violence à petites touches mais qui est pourtant très destructrice. C'est l'effet cumulatif qui constitue l'agression. La victime a tendance à se remettre en question, perd confiance en elle, a des crises d'angoisse en allant travailler.

Et le harceleur souffle le chaud et le froid, c'est-à-dire qu'il alterne les compliments et les critiques. Les critiques ne sont pas factuelles. Par exemple, le harceleur va dire : "vous êtes démotivé en ce moment, votre travail manque de professionnalisme…". Il est difficile d'y répondre et très déstabilisant.

Il faut toutefois faire attention à ne pas parler de harcèlement dès qu'on a un chef agressif, trop de travail ou des conditions de travail dégradées… C'est plus complexe. Il faut un caractère répétitif et étalé dans le temps. Il y a un effet de balancier : on est passé d'un silence total sur le sujet avant les années 2000 à une tendance à qualifier de harcèlement des situations qui n'en sont pas. Les avocats en droit du travail estiment que le harcèlement moral est trop souvent invoqué en cas de licenciement.

Qui sont les victimes ?

Un salarié sur cinq se dit touché par des comportements hostiles venant de son supérieur hiérarchique ou de collègues d'après la dernière enquête Sumer. Cette enquête est réalisée par les médecins du travail pendant la visite annuelle, dans le privé et dans le public. Ce chiffre est en légère augmentation par rapport à l'édition précédente.

Il n'y a pas de profil type, tout le monde peut être concerné. Dans les cas avérés de harcèlement moral, trois victimes sur quatre sont des femmes. Le secteur privé est un peu plus touché que la fonction publique mais la différence n'est pas très grande. Concernant l'âge, c'est homogène avec une petite pointe pour les 40-49 ans.

Que faire si on se pense victime de harcèlement moral ?

Si on se pense victime de harcèlement moral, il faut en parler tout de suite autour de soi, au médecin du travail, aux syndicats... donc à des experts qui sauront dire si oui ou non vous êtes harcelés. Si vous l'êtes, il faut imprimer tous les mails et consigner tout ce qui pourra servir de preuve. Parallèlement, il faut rester inattaquable sur le plan professionnel : pas de retard, pas d'absences injustifiées ou de réactions violentes en public… qui pourraient se retourner contre vous.

Que font les entreprises contre le harcèlement moral ?

L'employeur est censé réagir en vous éloignant totalement de la personne qui vous harcèle ou en la licenciant pour faute grave. S'il ne le fait pas ou si la personne qui vous harcèle est votre patron, vous pouvez déposer une plainte aux prud'hommes et aussi au pénal (au commissariat). Au pénal, le harceleur est passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.

On sort souvent très affaibli d'une histoire de harcèlement, d'où l'importance de réagir vite pour se reconstruire vite. Il existe dans certains hôpitaux des consultations de pathologies professionnelles (par exemple à l'hôpital Cochin à Paris ou à l'Hôtel Dieu à Rennes).

S'il n'y avait qu'une chose à retenir quand on est victime de harcèlement moral, ce serait de fuir d'une façon ou d'une autre votre harceleur si aucune solution n'est trouvée. Les spécialistes du sujet s'accordent sur le fait qu'un harceleur est très fort et peut vous causer beaucoup de tort. Vous sortirez toujours perdant si vous voulez l'affronter. Ce n'est pas une preuve de faiblesse mais de courage d'abandonner la partie.

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Sur Allodocteurs.fr

Livre

  • Le harcèlement moral
    La violence perverse au quotidien
    Marie-France Hirigoyen
    Ed. Pocket, décembre 2011