Sida : comment expliquer la rémission d'une jeune fille de 18 ans ?

Depuis douze ans, le virus du sida (VIH) n'est plus détectable dans le sang d'une jeune fille de 18 ans infectée dès la naissance ou les derniers mois de grossesse. Un cas incroyable qui pourra permettre de faire avancer la recherche sur le sida.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
36,7 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde.
36,7 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde.

Le cas de cette jeune fille de 18 ans "en rémission prolongée" impressionne les chercheurs. Alors qu’elle a arrêté depuis douze ans les antirétroviraux qu’elle prenait depuis ses premiers mois, le virus du sida (VIH) est indétectable dans son sang. L'infection est comme "bloquée" par le système immunitaire qui empêche la multiplication du virus. Mais comment expliquer cet incroyable contrôle ?

L’une des explications pourrait être la présence chez cette patiente d’une protection génétique particulièrement efficace contre le virus, comme c’est le cas des "contrôleurs naturels". Ces personnes sont en effet séropositives, mais le virus est indétectable dans le sang, même en l’absence de traitement, grâce à l’action de leurs cellules immunitaires. Ces "contrôleurs naturels" représentent moins d’1% des personnes infectées par le VIH. Mais cette piste a été mise de côté par les chercheurs : "Nous avons prouvé que cette enfant ne présente aucun des facteurs génétiques connus pour être associés à un contrôle naturel de l’infection", explique le Dr Asier Saez-Cirion, virologue de l’Institut Pasteur.

Le bénéfice d'un traitement précoce ?

La piste la plus probable, selon eux, est celle de l’efficacité du traitement pris précocement par l’enfant. Celui-ci a même commencé dès la grossesse, lorsque l’équipe médicale s’est aperçue que la mère présentait une charge virale non contrôlée. Elle a alors reçu un traitement prophylactique par zidovudine (un antiviral) pendant six semaines pour empêcher la transmission du virus à l’enfant. Un traitement que le bébé a poursuivi pendant ses deux premiers mois. Mais cette stratégie n’a pas fonctionné et le virus a continué de se multiplier dans le sang de la petite fille qui a alors été mise sous un traitement associant quatre antirétroviraux.

"Cette stratégie est destinée à réduire autant que possible la quantité de virus dans le sang pour que le système immunitaire puisse être capable de le prendre en charge et l’empêche de s’installer dans les réservoirs qu’il aurait aimé coloniser, les cellules immunitaires. Plus on réduit la quantité de virus présent dans le sang, plus on l’empêche d’agir", explique le Pr Jean-Paul Viard, infectiologue à l’Hôtel-Dieu, à Paris. Les réservoirs sont des cellules immunitaires à durée de vie très longue. Lorsqu’elles sont infectées par le VIH, elles permettent la persistance de l’infection.

Le même phénomène a été observé chez quatorze adultes traités très précocement après l’infection et chez qui le virus reste indétectable, en moyenne huit ans après l’arrêt des traitements.

Un espoir pour la recherche

Mais il faudra encore attendre de prochains travaux avant de vraiment savoir ce qui a rendu le système immunitaire de la jeune fille si efficace : "la rémission de l’infection est un phénomène qui est rare et sans doute associée à une combinaison de plusieurs facteurs, y compris peut-être des facteurs propres à l’hôte (les cellules de la jeune femme, ndlr)", a souligné le Dr Asier Saez-Cirion.

Quoi qu’il en soit, le cas de cette jeune fille pourrait les aider les chercheurs à mieux connaître le virus et les moyens de le neutraliser : "Ce genre de situation est un cas modèle qui permettra de comprendre bien des choses sur le virus. Mais ce que l’on cherche aujourd’hui, c’est avant tout d’éviter la transmission du virus de la mère à l’enfant plutôt qu’une manière de guérir les enfants qui se retrouvent infectés. Si ce n’est plus un problème en France, ces transmissions sont encore très fréquentes dans les pays peu développés", selon le Pr Jean-Paul Viard.