Salle de consommation à moindre risque (SCMR) à Paris : quel bilan six mois après l'ouverture ?

Depuis octobre, la première "salle de shoot" a ouvert à Paris. Chaque jour, 180 toxicomanes viennent en moyenne s’y injecter leur drogue, sous la supervision d’une équipe médicale. Objectif : réduire les risques de transmission de maladies et diminuer la consommation de rue. Mais ce dispositif ne fait toujours pas l'unanimité. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Nichée au pied de la gare du Nord, à Paris, l’entrée est discrète, mais ne désemplit pas. A l'intérieur, le décor est clinique et aseptisé. Depuis l'ouverture de cet espace dédié aux toxicomanes il y a six mois, infirmiers et éducateurs ont supervisé plus de 24.000 injections.

Un bilan positif pour Elisabeth Avril, la directrice de l’association Gaïa-Paris : "La plupart des gens qui viennent ici étaient des consommateurs de rue. Malheureusement, on n'est ouvert que 7 heures par jour donc ils continuent pour certains à consommer dans la rue le matin et après la fermeture de la salle. Mais ce sont quand même 24.000 consommations qui n’ont pas eu lieu dans l’espace public."  Côté santé, l'objectif serait donc atteint : les injections sont encadrées, les risques de transmission infectieuse limités.

Moins de seringues retrouvées dans la rue

Côté rue, c'est une chercheuse de l'Inserm qui mène l’enquête. Tous les mois, Marie Jauffret, sociologue, arpente le quartier, à la recherche de la moindre trace d’injection. A chaque fois, elle prend en photographie les seringues et le matériel jeté dans la rue par les toxicomanes. "Ça sert à comparer l’état de l’espace public avant l’implantation de la salle et depuis. C’est un travail qu’on fait depuis deux ans", explique-t-elle.  

Depuis l’ouverture de la salle, elle constate qu’il y a moins de seringues dans la rue et dans les toilettes publiques. "Quand on regarde les chiffres six mois avant l’ouverture de la salle et six mois après, on a un nombre de seringues dans l’espace public qui a été divisé par trois. Donc là, on a une efficacité de la salle lors des premiers mois. Mais il y a un travail à faire sur les regroupements des usagers et sur l’amélioration du quartier de manière plus globale".

Des riverains dénoncent un climat d'insécurité

Si la majorité des riverains se disent plutôt satisfaits, un groupe d’opposants entend donner un autre son de cloche. Régulièrement, ils diffusent sur Internet des vidéos pour dénoncer les désagréments dont ils sont victimes. Fin février, ils ont ainsi filmé une violente bagarre entre toxicomanes. Une riveraine témoigne, sous couvert d’anonymat : "Il y a de nombreux riverains qui ont été menacés, on n'a pas envie d’être reconnu par ces gens-là parce qu'on a peur, tout simplement. Il y a eu une amélioration les deux premiers mois. Mais depuis janvier, cela se dégrade de jour en jour… Il y a de plus de plus de toxicomanes. Il y surtout énormément de dealers…".

Pour tenter d’apaiser les esprits, tous les deux mois, le maire socialiste du Xe arrondissement, Rémi Féraud, réunit tous les acteurs engagés dans cette expérimentation. Pour Déborah Pawlik, élue d’opposition, la seule solution est la fermeture de la salle. "Il ne peut pas y avoir aujourd’hui une légitimité à ce que le pouvoir public accompagne les toxico dans leur addiction. Il faut renforcer les moyens pour aider les toxico à sortir de cette addiction, et renforcer ces moyens pour lutter contre risques de transmission des maladies infectieuses."

La salle est pour l’instant un dispositif expérimental. Son impact sur la mortalité liée aux overdoses et ses effets sur le quartier sont en cours d’évaluation par les chercheurs de l’Inserm. Les études seront menées pendant les six prochaines années.