Ebola : des formes mutées peuvent résister aux traitements
Des souches du virus Ebola ont développé une résistance à certains traitements expérimentaux après avoir muté. Si de telles mutations n'ont été observées qu'en laboratoire, la découverte ne sera pas sans conséquence sur le développement d'éventuels médicaments.
Des chercheurs de l'armée américaine viennent d'isoler une forme mutée du virus Ebola, capable de bloquer l'action des traitements expérimentaux à base d'anticorps. Leurs résultats ont été publiés le 10 septembre dans le journal Cell Reports.
Dans une précédente étude publiée en janvier dernier, la même équipe avait déjà tiré la sonnette d'alarme. En comparant le génome actuel du virus, et celui de la souche de l'ex-Zaïre de 1995, utilisée pour mettre au point les thérapies immunitaires (à base d'anticorps), ils avaient identifié une dizaine de mutations susceptibles d'entraîner des résistances aux actuels traitements expérimentaux.
La menace est devenue réalité lorsque deux singes, à qui les chercheurs avaient inoculé le virus, sont morts malgré l'administration d'un traitement expérimental, le MB-003. Ce cocktail de trois anticorps, efficace chez les singes s'il est injecté juste après l'infection par Ebola, a été créé pour cibler et s'accrocher à certaines protéines de surface du virus.
Quelques mutations mal placées suffisent à neutraliser le médicament
Après avoir analysé ces nouveaux variants viraux qui avaient eu raison des singes, les scientifiques se sont aperçus qu'une modification dans deux groupes de gènes seulement a suffi à court-circuiter le traitement. Les mutations ont modifié suffisamment les structures des protéines virales ciblées par les anticorps pour qu'ils ne puissent plus les reconnaître, devenant donc inefficaces.
"Nos données indiquent que le cocktail MB-003 pourrait ne pas être idéal pour traiter les malades d'Ebola, étant donné que les cibles des anticorps sont trop semblables" estiment ainsi les auteurs de la publication. Si le traitement MB-003 est, pour l'heure, réservé aux singes, il a cependant permis la mise au point d'un autre sérum expérimental, le ZMapp, actuellement utilisé chez des malades d'Ebola.
Bien qu'aucun cas de résistance virale n'ait été relevé avec le ZMapp, les auteurs soulignent l'importance de cibler plusieurs protéines virales lors de l'élaboration d'éventuels traitements, afin de maximiser leur efficacité malgré les mutations.
Un risque de mutation faible mais réel, à prendre en compte lors des recherches
En somme, même si le génome d'Ebola est connu pour sa stabilité, elle n'est qu'apparente : si l'un des traitements a été dépassé par une mutation aléatoire en laboratoire, il existe une probabilité que cela se reproduise "dans la nature".
Cependant, seuls deux types de traitements potentiels peuvent être bernés par une mutation inopinée : les traitements immunitaires (qui utilisent des anticorps), ou les traitements géniques qui ciblent des séquences spécifiques du génome du virus.
De telles mutations d'Ebola pourraient donc menacer l'efficacité du dernier vaccin candidat actuellement testé, et présenté comme efficace à 100%. Rappelons-le, pour l'heure, Ebola ne se soigne pas.
Selon l'OMS, l'épidémie d'Ebola a tué, depuis décembre 2013, plus de 11.000 personnes sur les 28.000 cas recensés en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone.
Ebola a peu muté en 40 ans
Que l'on se rassure, le virus Ebola mute très peu : entre la première souche virale découverte en 1976 et celle qui sévit actuellement, seul 3% du génome du virus a changé.
Cela peut s'expliquer par le nombre relativement faible de flambées épidémiques liées à Ebola. En effet, lorsqu'un virus infecte son hôte, il se heurte au système immunitaire de ce dernier, qui tente d'éliminer l'intrus. Certains exemplaires du virus peuvent alors être porteurs d'une ou plusieurs mutations qui, par hasard, leur permettent d'échapper à cette pression immunitaire. Ils sont favorisés et leur descendance peut alors représenter une part importante de la population virale.
Avec l'explosion des cas lors de l'épidémie qui sévit depuis fin 2013, le virus pourrait avoir suffisamment de temps pour muter. Fort heureusement, son génome a peu muté durant cette période, rapporte une étude publiée en août 2014. L'une des explications est que le virus étant déjà très virulent, la pression qui s'exerce sur lui est faible.