Covid : "l'idée que les jeunes ne se protègent pas est un mythe"

Pour Jocelyn Raude, enseignant-chercheur et associé à l'enquête Coviprev sur le vécu des Français face au virus, il faut en finir avec l'idée que les jeunes se protègent moins que les autres.  

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Covid : "l'idée que les jeunes ne se protègent pas est un mythe"

A en croire certains polémistes, la propagation du coronavirus serait exclusivement de la faute des plus jeunes. Pas un jour ne passe sans avoir des photos et vidéos de soirées étudiantes en boucle sur les réseaux sociaux et les chaînes d'info.

©CNews

Pourtant, quand on se penche sur les chiffres, on se rend compte que les faits sont plus nuancés.

Jocelyn Raude, enseignant-chercheur à l'Ecole des hautes études en santé publique (Ehesp) et associé à l'enquête Coviprev, affirme à nos confrères de l’AFP que l’idée que les jeunes ne se protègent pas face au Covid-19 est "un mythe".

Y a-t-il un moindre respect, par les citoyens plus jeunes, comme les étudiants, des gestes barrières et des mesures de réduction des rassemblements ?

Jocelyn Raude : L'idée que les jeunes ne se protègent pas, c'est un mythe contredit par les données de la recherche. Quels que soient les comportements à risque qu'on mesure, on a certes des différences de quelques points, mais pas une majorité de jeunes qui feraient n'importe quoi et les autres groupes d'âge qui se comporteraient bien. 

Ce qu'on voit dans les enquêtes du mois de septembre, c'est que l'immense majorité des Français, quelle que soit leur catégorie d'âge, tendent à respecter les gestes barrières. Là où on observe des différences, c'est dans la fréquence des interactions sociales. 

Les jeunes ont une vie sociale qui s'est davantage maintenue, même si elle n'est pas aussi intense qu'avant, alors que les personnes âgées font encore très attention, pour une raison très simple, c'est qu'elles ont compris qu'elles ont plus de risques de développer des formes graves de la maladie.

Ainsi, dans la vague d'enquête de Santé publique France de fin septembre, 66 % des 18-24 ans déclarent éviter souvent ou systématiquement les rassemblements festifs contre 78 % pour l'ensemble de la population.

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Comment l'action du gouvernement est-elle perçue et comment sont vécues les restrictions sanitaires, jusqu'aux derniers couvre-feux ?

J.R : Il y a peu de différences selon les catégories d'âge, sinon qu'il y a une confiance plus importante dans l'action des pouvoirs publics chez les personnes âgées.

A ce stade, on n'a pas encore de mesure d'acceptation des couvre-feux, mais ça pèsera objectivement plus sur les jeunes que sur les plus âgés, d'une part parce que ce sont de grandes agglomérations qui ont d'abord été concernées et en moyenne ce sont des populations plus jeunes qui y vivent. D'autre part, chez les étudiants, beaucoup sont déjà passés à l'enseignement à distance. Ils sont isolés dans leur logement dans la journée et ça devient aussi compliqué pour eux de sortir le soir. Il y a donc une perte de lien social qui entraînera sûrement une acceptation un peu moindre dans ce groupe, mais je ne crois pas qu'on aura des différences flagrantes.

Faut-il s'adresser différemment aux citoyens les plus jeunes ?

J.R : Le problème quand on s'adresse à tout le monde, c'est qu'on ne s'adresse à personne. Le marketing social a fait beaucoup de progrès, en segmentant les populations et en s'adressant à ces populations avec un langage, un mode de communication plus efficace ou en mobilisant des leaders d'opinion différents selon les groupes d'âge. 

Ce sont des leçons classiques qu'on a apprises de la prévention des années 80-90, notamment dans le cadre de la lutte contre le sida. Il y a eu notamment aux Etats-Unis des campagnes qui sont passées par des basketteurs, et qui ont montré que la sensibilisation passait mieux à travers des personnalités auxquels les jeunes peuvent s'identifier.

Mais d'une manière générale la communication a un effet faible sur les changements de comportement, surtout lorsqu'il s'agit de communication verticale. On sait que les modifications environnementales fonctionnent mieux : si vous mettez des distributeurs de gel hydroalcoolique partout à l'entrée d'établissements, de magasins ou de supermarchés, vous augmentez l'utilisation de ces produits, si dans les cafés vous avez des tables au maximum de six, vous allez mécaniquement favoriser la division des groupes.