Levothyrox : les 4.113 plaignants déboutés

Les plaignants poursuivaient les laboratoires Merck dans le cadre d’une action collective pour "défaut d’information" lors du changement de la formule du médicament.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
40 plaignants exigeant l'ancienne formule ont été déboutés.
40 plaignants exigeant l'ancienne formule ont été déboutés.

Un des verdicts des différentes affaires judiciaires du Levothyrox est tombé le 5 mars : le tribunal d'instance de Lyon a débouté les 4.113 plaignants qui poursuivaient les laboratoires Merck pour "défaut d’information" lors du changement de la formule de ce traitements des troubles de la thyroïde.

Au cours de l'audience, délocalisée le 3 decembre dans un centre de congrès de la banlieue de Lyon en raison du très grand nombre de requérants, les avocats de 4.113 plaignants regroupés dans une action collective via une plateforme en ligne ont réclamé une indemnisation de 10.000 euros pour chacun d'eux, soit plus de 41 millions au total.

Ils accusaient Merck "de savoir que le changement de formule allait avoir des conséquences néfastes, de faire peu de cas des malades et de privilégier les intérêts financiers de ses actionnaires sur les malades". Ils avaient notamment dénoncé "l'absence de mention sur le changement de formule" sur la boîte de médicament, ainsi que "l'absence coupable de réaction de la part d'un industriel".

Les victimes considèrent en effet que la nouvelle version du médicament, distribuée à partir de mars 2017, a provoqué chez elles des symptômes parfois très handicapants comprenant dépression, fatigue intense, chute de cheveux, de douleurs ou de vertiges. Le tribunal d'instance de Lyon a pourtant jugé que que Merck avait œuvré dans les règles et de concert avec les autorités sanitaires françaises.

"C'est une grosse déception"

"C’est une grosse déception pour moi et pour les malades, qui attendaient une reconnaissance de la justice de leurs souffrances. Et on leur dit aujourd’hui que c’est simplement un problème sociologique, et non pas juridique. Ces termes ne sont pas acceptables pour les malades", a réagi l’avocat des plaignants, Christophe Lèguevaques, sur le site de franceinfo. "Le tribunal a considéré que Merck n’avait pas commis de faute dans l’obligation d’information qui pesait sur elle. Mais nous allons certainement conseiller aux clients d’interjeter appel de cette décision", a-t-il poursuivi.

"Le juge a reconnu la pertinence, au regard du cadre réglementaire en vigueur, du dispositif d’information mis en place lors de la transition, entre mars et septembre 2017, de l’ancienne à la nouvelle formule du Levothyrox" a pour sa part déclaré Florent Bensadoun, le directeur juridique de Merck en France. Le groupe pharmaceutique avait en effet considéré via ses défenseurs pendant l'audience qu'il avait "fait ce qu'il fallait en répétant par vagues successives les mises en garde", avec notamment "300.000 communications par courrier, fax et mail auprès de 100.000 professionnels de santé".

"Il ne s’agit pas d’un jugement contre le ressenti des patients"

"Soulignons qu’il ne s’agit pas d’un jugement contre le ressenti des patients. Ce qui a été jugé aujourd’hui, c’est la pertinence du dispositif d’information mis en place autour de la transition de l’ancienne à la nouvelle formule du Levothyrox, durant une période bien délimitée, allant de mars à septembre 2017", a développé le laboratoire dans un communiqué.

Le tribunal a également retenu dans son jugement que "la qualité et la valeur thérapeutique du médicament nouvelle formule" étaient "certaines" et que sa notice contenait des informations "suffisamment précises et pertinentes" pour les patients concernés. La justice estime ainsi que le laboratoire n'a commis aucune faute.

"Il fallait s’en douter. Je suis réaliste. C’est un labo puissant avec un quasi monopole", a réagi auprès de l’AFP l’une des plaignantes, Aude Chaplain, 32 ans, qui a subi une ablation de la thyroïde à 19 ans et ne parvient toujours pas à trouver le bon dosage avec la nouvelle formule.

 

En parallèle des poursuites judiciaires, trois rapports de pharmacovigilance ont été successivement remis à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sans réussir à expliquer les effets indésirables dénoncés par les victimes.

Le 20 décembre, le ministère de la Santé a également rendu publique une étude selon laquelle la prise du nouveau Levothyrox n'aurait pas entraîné "d'augmentation de problèmes de santé graves" mais s'est traduite par une "augmentation notable" des consultations médicales. Il a ajouté que des analyses réalisées par l'ANSM sur de nouveaux lots de médicaments confirmaient leur "bonne qualité".

"La bataille continue"

Autant de conclusions contestées par les associations de malades comme l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT), pour qui le doute doit persister compte tenu de l'ampleur des signalements.

"La bataille continue avec le même collectif et le même avocat", affirme la plaignante Béatrice Benzama, 54 ans, qui dit avoir passé 9 mois couchée avec la nouvelle formule. "C’est un travail de longue haleine. On veut être considéré comme victimes", ajoute la quinquagénaire, se disant "déterminée".

L'affaire fait aussi l'objet, au pénal, d'une information judiciaire contre X instruite par le pôle santé du TGI de Marseille. Ouverte le 2 mars 2018 pour tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui, elle a été élargie depuis par le parquet au chef "d'homicide involontaire".