Naissance d’un bébé doté de l'ADN de trois parents différents

En Grèce, un bébé possédant l’ADN de deux femmes et d’un homme vient de voir le jour. Il est né d’une fécondation in vitro utilisant une technique de conception assistée particulière. Explications.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Naissance d’un bébé doté de l'ADN de trois parents différents
© Photo on Foter.com

Trois parents différents pour un seul bébé. Pour la première fois en Grèce, un petit garçon est né le 9 avril 2019 d’une technique de conception assistée qui utilise trois ADN différents : la technique de "transfert de fuseau maternel".
C’est la première fois que cette méthode est utilisée dans le cas d'une infertilité, selon l'équipe médicale gréco-espagnole dirigée par l'embryologiste grec Panagiotis Psathas qui a réalisé cette manipulation génétique.

La femme grecque qui a donné naissance au petit garçon est âgée de 32 ans. Elle avait tenté plusieurs fécondation in vitro (FIV) qui avaient toutes échoué à cause d’une dysfonction de ses ovocytes, d’après un communiqué du centre grec Institute of Life. La seule solution pour elle aurait alors été de bénéficier d'un don d'ovocyte, mais dans ce cas, elle n'aurait pas transmis son patrimoine génétique à son enfant. Grâce à la nouvelle méthode de "transfert de fuseau maternel", elle a pu à la fois recevoir l'ovocyte fonctionnel d'une donneuse et transmettre ses gènes à son bébé.

ADN nucléaire et ADN mitochondrial

Mais quel est le principe de cette technique ? Un embryon se forme lorsque un ovocyte produit par une femme rencontre un spermatozoïde produit par un homme. Le spermatozoïde contient l’ADN du père et l’ovocyte l’ADN de la mère. Dans l'ovocyte, l'ADN est présent sous deux formes : son noyau contient l’ADN nucléaire et ses mitochondries, des petites structures jouant un rôle dans la production d’énergie de la cellule et possédant leurs propres chromosomes contiennent l’ADN mitochondrial.

Le docteur Psathas et son équipe ont transféré le noyau de l’ovocyte de la mère, qui contient ses chromosomes, dans l’ovocyte d’une donneuse saine dont le noyau a été retiré. Le nouvel ovocyte contient alors l’ADN nucléaire de la mère et l’ADN mitochondrial de la donneuse. Les médecins ont ensuite réalisé une FIV avec ce nouvel ovocyte et le sperme du père. L’embryon ainsi formé - contenant donc trois ADN différents - a enfin été implanté dans l’utérus de la mère.

"Le droit d’une femme de devenir mère avec son propre matériel génétique"

L’intérêt ? Ici, celui de s’affranchir des problèmes liés aux anomalies des ovocytes produits par la mère, responsables des échecs des précédentes FIV, tout en permettant néanmoins à cette femme de transmettre ses propres gènes à son enfant. Le recours, plus classique, à l’ovocyte entier d’une donneuse aurait en effet abouti à un embryon qui ne possède aucun héritage génétique de la mère. "Aujourd'hui, pour la première fois dans le monde, le droit inaliénable d'une femme de devenir mère avec son propre matériel génétique devient une réalité", s'est ainsi félicité le Dr Psathas, président de l'IVF, dans le communiqué du centre médical.

Une technique de conception assistée controversée

En avril 2016, des médecins mexicains avaient déjà eu recours à cette technique, mais pour d'autres raisons médicales : il s'agissait alors d'éviter la transmission d'une maladie héréditaire maternelle. Le cas était celui d'une femme qui souffrait du syndrome de Leigh, un trouble métabolique héréditaire rare qui se transmet via l’ADN mitochondrial. Elle avait déjà transmis ses gènes malades à deux enfants, tous deux morts de cette pathologie, et le procédé de "transfert de fuseau maternel" lui avait permis de donner un naissance à un bébé en bonne santé. Mais utiliser cette méthode pour traiter l'infertilité, sans raison de risque héréditaire, soulève des questions éthiques.

Ainsi, Tim Child, professeur et directeur médical à l'université d'Oxford s'est dit "préoccupé". Dans un communiqué, il a également noté que "les risques de la technique ne sont pas entièrement connus, bien que considérés comme acceptables s'ils sont utilisés pour traiter la maladie mitochondriale, mais pas dans cette situation".