Les mères sont-elles plus sensibles aux pleurs des bébés ?

Le très controversé instinct maternel refait surface... Selon une nouvelle étude américaine, les mères seraient naturellement prédisposées à mieux entendre les pleurs nocturnes de leurs enfants. En cause : l'ocytocine, hormone de l'attachement, qui amplifierait les sons chez la mère et donnerait une excuse à tous les papas fatigués.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les mères entendent-elles plus les pleurs des bébés ? (© Nik - Fotolia.com)
Les mères entendent-elles plus les pleurs des bébés ? (© Nik - Fotolia.com)

Voilà plus trois décennies que certains chercheurs s'obstinent à trouver une preuve biologique qui expliquerait l'hypothétique instinct maternel "inné" de la femme. Selon eux, les gènes féminins, son cerveau ou ses hormones la prédestineraient ainsi à être plus à l'écoute de ses enfants que l'homme. Une fois de plus, le rôle de l'ocytocine, parfois appelée "hormone de l'amour", a été étudié par une équipe de recherche américaine. Publiés dans la revue Nature le 15 avril, leurs travaux estiment que cette hormone, présente en quantité chez la femme après l'accouchement, permettrait aux mères de mieux entendre les pleurs nocturnes de leurs bébés

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont inoculé de l'ocytocine à des souris femelles vierges. Après l'injection, celles-ci répondaient plus aux pleurs des progénitures des autres souris. Mieux encore : alors qu'elles n'avaient jamais eu de petits, elles adoptaient pourtant un comportement de mère, en tenant par exemple les souriceaux par le cou. "Il est remarquable de voir comment l'ocytocine injectée décale le comportement animal et que les souris qui ne savent pas comment effectuer une tâche sociale pourraient soudainement la faire parfaitement", explique même Bianca Marlin, coauteur de ces travaux. De là à envisager d'injecter directement de l'ocytocine aux mères indignes, il n'y a qu'un pas que ces scientifiques ne franchissent pas.

Des allégations qui nourrissent les idées reçues

Chercher à distinguer une "nature féminine" d'une "nature masculine" n'est pas nouveau, et participe à enrichir bon nombre d'idées reçues. Les liens entre hormones et comportements sont à tord devenus des lieux communs. La femme serait douce et emplie d'amour grâce à l'ocytocine, l'homme viril et puissant grâce à la testostérone… Or ces allégations n'ont jamais été clairement prouvées chez l'homme, ni même chez le primate. Concernant le légendaire instinct maternel, même les chercheurs qui s'y intéressent s'accordent à dire que les résultats sont globalement rares et peu concluants (1).

Si ces thèses restent controversées, c'est qu'il est difficile d'établir un lien de causalité entre ocytocine et amour maternel. Qui du comportement ou de l'hormone induit l'autre ? Force est de constater que la question cruciale de l'acquisition innée ou acquise des comportements divise la communauté scientifique.

La femme et l'homme ne sont pas réductibles au biologique

En 2010, dans un article du Nouvel Observateur intitulé "Les femmes ne sont pas des chimpanzés", Elisabeth Badinter explique l'absurdité du mythe de l'instinct maternel : "L'idée que la prolactine et l'ocytocine, les deux hormones du maternage, font la loi de l'humain... Non. L'inconscient, l'histoire personnelle de chacune et le modèle social pèsent plus lourd que les hormones. Qu'on me montre ce qu'est un instinct qui pourrait disparaître pendant des siècles ! Le désir humain n'est pas réductible au biologique, on peut aller contre."

Les femmes ne sont pas les seules à pâtir de ces images réductionnistes… En 2011, une étude publiée dans le PNAS (2) estime qu'une baisse du taux de testostérone induirait l'instinct… paternel !

L'importance du temps passé avec son bébé

Une étude publiée en 2013, elle aussi dans la revue Nature (3), a montré que les pères reconnaissaient (tout comme les mères) les pleurs des bébés… Pour ces chercheurs de l'université de Lyon/Saint-Etienne, cette reconnaissance n'est pas liée à un quelconque instinct, mais bien au temps passé auprès du nourrisson : au delà de 4 heures, l'attention des hommes et des femmes est identique.

Si l'erreur de cette nouvelle étude est sûrement de ne s'être penchée que sur des souris femelles, les chercheurs ont tout de même observé un fait étonnant, qui va à l'encontre de leurs propres hypothèses. Après leur première expérience, ils ont bloqué les récepteurs d'ocytocine des souris vierges. Pourtant, celles-ci ont continué à avoir un comportement maternelsans hormone.

Etude de référence : Oxytocin enables maternal behaviour by balancing cortical inhibition. B. Marlin et al. Nature, avril 2015. doi:10.1038/nature14402

Autres sources :
(1)  Oxytocin and the neural mechanisms regulating social cognition and affiliative behavior. Larry Young et al Frontiers in Neuroendocrinology, 2009. 
(2)  Longitudinal evidence that fatherhood decreases testosterone in human males. Lee T. Gettler et al. PNAS, juillet 2011. doi: 10.1073/pnas.1105403108
(3)  Fathers are just as good as mothers at recognizing the cries of their baby. Nicolas Mathevon et al. Nature communication, 2013. doi:10.1038/ncomms2713