Une maladie rare pour mieux comprendre Alzheimer

Un nouveau facteur de risque de la maladie d’Alzheimer a été découvert grâce à l'étude d'une maladie rare. Des chercheurs français viennent de mettre au jour la mutation d'un gène dont la présence dans notre ADN pourrait multiplier par cinq le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Une nouvelle piste pour mieux comprendre cette maladie, et surtout réussir à trouver un traitement.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le
Une maladie rare pour mieux comprendre Alzheimer

Comment l'étude d'une maladie extrêmement rare peut-elle apporter des éléments de réponses à des chercheurs travaillant sur la maladie d'Alzheimer ?

Cette maladie orpheline, au nom à rallonge de "l'ostéodysplasie polykystique lipomembraneuse avec leucoencéphalopathie sclérosante", appelée plus simplement la maladie de Nasu-Hakola est une affection génétique qui concerne environ 30 000 personnes dans le monde. Extrêmement rare, elle a suscité l'intérêt d'une équipe de chercheurs de l'Inserm à l'Institut Pasteur de Lille, car certains de ses symptômes étaient assez proches de ceux de la maladie d'Alzheimer.

Cinq fois plus de risques

Après des douleurs osseuses et des gonflements articulaires apparaissant environ à l'âge de la trentaine, les patients souffrant de cette maladie rare développent par la suite de légers changements de la personnalité, suivis par des symptômes neurologiques telles que l'euphorie, la perte de l'inhibition sociale ou l'agressivité, évoluant vers une démence. Cette affection a été associée à des mutations dans le gène TREM2 (Triggering Receptor Expressed on Myeloid cells 2) sur le chromosome 6.

L'équipe du chercheur Philippe Amouyel* a été interpellée par cette similitude de symptômes, et s'est penchée sur les génomes de patients souffrant d'Alzheimer, afin de voir si la mutation de ce gène était présente. En comparant les résultats obtenus avec ceux analysés chez des personnes témoins, non malades, le chercheur a pu montrer qu'il y avait un risque cinq fois plus élevé de développer la maladie d'Alzheimer lorsqu'on était porteur de cette mutation de gène.

Ces résultats ont été confirmés par la suite dans trois autres études.

L'immunité comme moyen de défense contre Alzheimer

"Il ne s’agit pas de trouver par ce biais des informations pouvant mener à un diagnostic", explique Philippe Amouyel, directeur de l'étude. "La mutation de ce gène n'est pas héréditaire, elle ne permet donc pas de pouvoir prédire s'il y aura développement de la maladie d'Alzheimer ou non. Par contre, la présence de ce gène peut nous aider à comprendre pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles que d'autres de développer cette maladie. Et donc peut nous permettre de comprendre aussi pourquoi certaines personnes sont, elles, plus protégées contre cette maladie que les autres".

De récentes études s'intéressent au rôle de la réponse immunitaire de notre organisme dans le développement de la maladie d'Alzheimer chez un patient. Il y aurait des mécanismes de défense naturelle de notre organisme, qui seraient plus efficaces chez certains d'entre nous. En stimulant cette réponse immunitaire, on pourrait aider notre cerveau à se défendre contre la maladie.

Le gène en question, le TREM2, intervient justement dans la réponse immunitaire des macrophages, des cellules qui nous aident à nous défendre contre les agressions extérieures. Ce qui conforte donc la théorie de la réponse immunitaire comme moyen de défense contre cette pathologie neuro-dégénérative. Et ouvre de nouvelles perspectives de traitements.

En France, la maladie d’Alzheimer touche plus de 850 000 personnes et représente un coût social et économique majeur.

L'identification de gènes qui participent à la survenue de la maladie d'Alzheimer et à son évolution permettra de comprendre les mécanismes à l'origine de cette affection,  d'identifier des protéines et des voies métaboliques, qui seraient les cibles de nouveaux traitements. Et ainsi, d'offrir des moyens diagnostiques pour identifier les sujets les plus à risque lorsque des traitements préventifs efficaces seront disponibles.

* Philippe Amouyel, Unité mixte de recherche Inserm-Institut Pasteur Lille-Université Lille Nord de France "Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement".

Etude de référence : - "TREM2 Variants in Alzheimer's Disease", New England Journal of Medicine, November 14, 2012, DOI: 10.1056/NEJMoa1211851

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