Pour éradiquer les bactéries, il faut les désolidariser…

Des chercheurs de l'université de Berkeley sont parvenus à visualiser un biofilm bactérien, responsable d'infections chroniques et tenaces, et les étapes qui aboutissaient à sa formation. Ces recherches ouvrent la voie à de nouvelles thérapeutiques en matière de bactériologie.

Héloïse Rambert
Rédigé le
Pour éradiquer les bactéries, il faut les désolidariser…

Les bactéries, des petites cellules isolées et fragiles, facilement "dégommées" par nos antibiotiques performants ? Loin de là. Les bactéries n'aiment guère la solitude. Pour une raison simple : elles ont bien compris que l'union faisait la force. Dans leur habitat naturel, 99,9 % des bactéries vivent en communauté, sous forme d'un biofilm, qui adhère à la surface sur laquelle elles vivent.

Intouchables

Ces biofilms sont en fait des "plaques" collantes de bactéries, extrêmement "coriaces" et hermétiques aux antibiotiques, qui rendent les infections difficiles à soigner. D'après l'Institut national de la santé américain, 80 % des infections humaines sont liées à ces biofilms.

"Le biofilm peut être 1 000 fois plus résistant qu'une simple bactérie, et dans certains cas, il ne peut être enlevé que par la chirurgie", explique Veysel Berk, chercheur à l'université de Berkeley en Californie.

Ils peuvent être responsables, par exemple, d'infections pulmonaires, parfois fatales, ou de sinusites chroniques. Des implants, comme des pacemakers ou des prothèses vasculaires, peuvent aussi être infectés par des biofilms. Ces amas perdent quelques fois des bactéries, ce qui provoque des infections aiguës et de la fièvre. L'antibiothérapie peut atteindre ces bactéries "électrons libres" mais le biofilm reste intouché. La seule solution permanente est de remplacer l'implant infecté par un implant neuf ou d'intervenir chirurgicalement pour enlever le tissu atteint.

Si les antibiothérapies au long cours aident, elles ne peuvent éradiquer totalement l'infection.

Comment les bactéries construisent leur forteresse…

En mettant au point une nouvelle technique de fluorescence et en utilisant une microscopie à haute résolution, des chercheurs de l'université de Berkeley, sont parvenus à observer la structure de ces biofilms. Veysel Berk, qui a mené l'étude publiée dans la revue Science, et son équipe ont ainsi étudié la façon dont une bactérie, dans leur cas la bactérie du choléra (Vibrio cholerae), formait une telle structure. "Une simple bactérie peut à elle seule, construire un vrai gratte-ciel de bactéries !" C'est la métaphore architecturale (mais très parlante) qu'emploie Veysel Berk. Mais la technique qu'il a utilisée lui a permis de zoomer jusqu'au rez-de-chaussée de ce gratte-ciel.

L'équipe de recherche a découvert qu'après six heures, une bactérie isolée dépose une sorte de glu pour s'attacher à sa surface. Puis elle se multiplie en cellules-filles, en s'assurant de "cimenter" chacune des "filles" à elle avant de se diviser en deux. À ce rythme, il y a alors vite la formation d'un amas. C'est à ce moment-là que les bactéries sécrètent une protéine "ciment" qui recouvre et protège l'amas, comme une véritable carapace.

Un plan, des plans d'attaques

"Ce travail nous a permis d'en savoir plus sur le développement de ces structures complexes et ouvrira sans doute la voie à de nouvelles approches pour lutter contre les maladies infectieuses. Et il est aussi probable que nous trouvions des applications dans les domaines environnementaux et industriels", a déclaré Chu, professeur de physique et de biologie moléculaire et cellulaire à Berkeley. "Nous sommes maintenant en mesure d'élaborer une approche logique pour parvenir à démanteler les "buildings" de bactéries. Et même empêcher leur construction."

Les chercheurs ont ainsi identifié des cibles génétiques pour des médicaments potentiels qui pourraient briser la colonie bactérienne et l'exposer à la toxicité des antibiotiques.

Ils espèrent trouver un médicament qui permettrait de se débarrasser de la "protéine-glu", à la base du biofilm, ce qui serait un moyen de déplacer l'édifice comme un "tout". Ils espèrent, parallèlement, découvrir un moyen thérapeutique qui attaquerait celle qui sert de "ciment". Sa destruction permettrait en effet de démanteler le biofilm et ouvrirait une voie d'accès aux médicaments antibiotiques.

Source : "Discovery opens door to attacking biofilms that cause chronic infections", Université de Berkeley, 12 juillet 2012

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