Modèles de mémoire et progrès technologiques au cours de l'histoire

Au cours de l'histoire, la représentation que les hommes ont eue de leur mémoire individuelle n'a cessé d'évoluer avec l'évolution des technologies. Le modèle, quelle que soit sa forme, n'est jamais que le reflet de l'avancement technologique de chaque époque.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Modèles de mémoire et progrès technologiques au cours de l'histoire

Dès l'Antiquité, Platon a ainsi recours à l'image de la tablette de cire utilisée à l'époque chez les Romains. Les sensations, par leur action, laissent, tout comme des sceaux, des empreintes sur cette matière malléable (l'esprit en fait), leur persistance étant assimilée au souvenir et leur effacement progressif, à l'oubli. Les capacités mnésiques, variables selon les individus, dépendraient alors de la surface de la tablette, des différences dans la pureté de la cire et de la facilité à y graver des figures.

Lorsqu'à Versailles, le roi Louis XIV permit les prouesses de l'ingénierie hydrodynamique pour alimenter les nombreuses pièces d'eau du parc et le potager du Roy grâce notamment à la machine de Marly, on voit surgir un modèle hydraulique de la mémoire basé sur la théorie de Descartes. Les nerfs sont ici des tuyaux creux parcourus par des esprits animaux.

Plus tard Jacques de Vaucanson éblouit le XVIIIe siècle par ses célèbres automates cherchant à reproduire "l'intelligence expérimentale d’un mécanisme biologique", on voit apparaître un modèle mécanique de la mémoire avec force rouages. Certains sont encore visibles au Musée des arts et métiers à Paris.

Suite à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg au XVe siècle, aboutissant à un réseau étendu de librairies et de bibliothèques publiques, la mémoire ne pourra qu'être comparée à un système d'archivage similaire. Les souvenirs se trouveraient casés dans sa tête comme sur différentes étagères selon leur catégorie thématique.

La fée électricité fait son apparition dès les années 1880 avec l'invention d’Alexander Graham Bell, et la mémoire cérébrale est alors comparée à une machine électrique puis à un central téléphonique.

Lorsque les progrès de la chimie et la génétique émergent, on recherche des molécules chimiques ou des gènes qui seraient le support de la mémoire. Le XXe siècle technologique est celui de l'ordinateur. On voit surgir de nombreux modèles informatiques et émerger l'Intelligence artificielle. Mémoire biologique et mémoire informatique participent au même principe : la reconnaissance par comparaison et la hiérarchisation des informations dans une arborescence. Avec l'émergence des réseaux Internet, les conceptions les plus récentes de la mémoire font appel à l'activation, la consolidation et le rappel de l'activation spatio-temporelle de réseaux de neurones.

La mémoire humaine est loin d'être strictement séquentielle. Son acquisition et son rappel dépendent fortement du contexte. Sa capacité d'oubli progressif agit comme un modulateur, c'est-à-dire qu'on gagne en expérience ce qu'on perd en fidélité. Il est probable que jamais aucune machine, si perfectionnée soit-elle, jamais aucun modèle de représentation, aussi sophistiqué qu'il soit, n'égaleront jamais la mémoire humaine.

L'homme étant toujours tributaire de ses analogies technologiques, il ne fait aucun doute que, dans le courant de ce XXIe siècle, la comparaison continuera de se faire avec des machines ou des modèles que nous avons encore du mal à imaginer. Mais est-il possible de comprendre notre cerveau avec notre cerveau ?

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Références bibliographiques :

  • La mémoire : une approche interdisciplinaire
    Gabriel Gandolfo et Paul-Antoine Miquel
    Biologie Géologie n° 2-2008
  • H.M., ou 50 ans d’amnésie !
    Bernard Croisile, (2006)
    Neuropsychologie, 379

  • La Formule préférée du professeur
    Yoko Ogawa
    Ed. Actes-Sud, 2008
  • Avant d'aller dormir
    S.J. Watson
    Ed. Sonatine, mai 2011