Accouchement : stimulation des contractions et risques d'hémorragie

L'ocytocine utilisée pour stimuler les contractions pendant le travail augmenterait le risque d'hémorragie après la naissance selon les travaux d'une équipe de l'Inserm publiés dans le BMJ Open. Une information qui peut inciter les sages-femmes et gynécologues-obstétriciens à redéfinir les doses prescrites.

Géraldine Zamansky
Rédigé le
Accouchement : stimulation des contractions et risques d'hémorragie

"C'est la première fois qu'une étude est réalisée correctement pour évaluer le lien entre des doses importantes d'ocytocine utilisée pendant l'accouchement et le risque d'hémorragie", estime le Pr. François Goffinet, gynécologue obstétricien à l'hôpital Cochin.

L'ocytocine est une hormone normalement fabriquée par l'organisme pour stimuler les contractions de l'utérus. On sait aujourd'hui la synthétiser et la donner en perfusion aux patientes pour déclencher l'accouchement, quand c'est nécessaire, ou lorsque la dilatation du col de l'utérus stagne.

L'étude publiée dans le British Medical Journal Open par l'équipe Inserm du Dr Catherine Deneux-Tharaux, endocrinologue, a montré que "la prise d'ocytocine multiplie par deux le risque d'hémorragie grave et que ce sur-risque augmentait avec la dose d'hormone". L'hémorragie du post-partum, après la naissance du bébé, est due à une mauvaise contraction de l'utérus sur lui-même. Schématiquement, les vaisseaux rompus par la séparation avec le placenta restent ouverts et le débit sanguin peut être très important... au point de menacer la vie de la patiente. Les facteurs de risque connus sont un gros bébé, une grossesse géméllaire ou encore un travail trop long qui "fatiguent" l'utérus. Mais "chez la moitié des femmes, cette complication survient sans facteur de risque et est tout à fait imprévisible", explique le Dr Deneux-Tharaux, qui voit donc dans son étude une des réponses à cette question.

"Il s'agit d'une information intéressante qui doit nous amener à réfléchir aux doses utilisées et aux indications dans lesquelles nous y avons recours", considère le Pr. Goffinet. Mais attention, poursuit-il, l'idée n'est surtout pas de renoncer à ce traitement extrêmement utile. "Cela reste un médicament qui sauve des mères et des bébés quand le travail dure trop longtemps et risque de provoquer une souffrance fœtale, par exemple." Il souligne d'ailleurs que les patientes qui ont souffert d'une hémorragie dans l'étude auraient peut-être eu une césarienne ou d'autres complications si elles n'avaient pas reçu d'ocytocine.

"Au quotidien, nous essayons d'être vigilants dans notre utilisation, mais il n'est pas toujours facile de savoir si des contractions vont repartir d'elles-mêmes !", rappelle le clinicien qui appelle à la réalisation d'autres études sur le sujet pour préciser les résultats. Il reste aussi à comprendre pourquoi cette hormone qui aide l'utérus à se contracter pendant l'accouchement provoquerait l'effet inverse quelques heures plus tard. Ses récepteurs seraient-ils "saturés" après une trop longue sollicitation au point de ne plus réagir ? L'utérus serait-il épuisé par trop de stimulation ? "Chacune de ces hypothèses est séduisante intellectuellement, mais non vérifiée", conclut le Pr. Goffinet.

Source : "Hémorragies après l’accouchement : quel rôle pour l’ocytocine ?", Inserm, 13 février 2012
Etude de référence : Belghiti et coll.“Oxytocin during labour and risk of severe postpartum haemorrhage: a population-based, cohort-nested case–control study” BMJ Open 2011

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