Ramadan : respecter la prescription médicale ou divine ?

Pour les musulmans, le jeûne traditionnel du ramadan a commencé. Le jeûne est l'un des cinq piliers de l'Islam. Mais le suivre peut, dans certains cas, interférer avec les soins et poser problème pour la santé des fidèles, notamment en cas de diabète.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Ramadan : respecter la prescription médicale ou divine ?

Durant un mois, les musulmans pubères qui respectent le ramadan s'abstiennent de manger, de boire, de fumer et d'avoir des relations sexuelles de l'aube au coucher du soleil. Mais ils cessent aussi de prendre des médicaments par voie orale pendant la journée. En revanche, du coucher au lever du soleil, aucune interdiction alimentaire n'ayant lieu, la tendance est de manger plus de sucres, de graisses et de viandes que d'habitude.

Selon de récentes estimations du ministère de l"Intérieur, environ 5 millions de musulmans d'origines très diverses (Maghreb, Afrique subsaharienne, Inde, Europe orientale, Asie et Moyen-Orient) vivent en France. Parmi eux, 33% se disent "croyants et pratiquants".

Le Coran, c'est la santé !

Les malades musulmans sont autorisés à cesser le jeûne, jusqu'à la guérison, et à "rattraper" les jours manqués plus tard. Les malades chroniques en sont, eux, clairement dispensés. En effet, dans l'Islam, la santé morale et physique des individus doit toujours primer. Le texte coranique interdit au fidèle de mettre sa santé ou sa vie en danger. A ce titre, les prescriptions des médecins doivent, en théorie, être respectées. Cependant, il n'est pas rare pour les professionnels de santé de voir des patients "zélés" suspendre leur traitement ou mal l'observer au risque de nuire à leur santé.

Le diabète et le jeûne

L'équilibre du diabète, une maladie très fréquente parmi la population musulmane, peut être particulièrement problématique en cas de respect du jeûne. Le Dr Leila El Jabri, diabétologue en Seine-Saint-Denis, doit faire face chaque année à cette question. "La gestion de la situation dépend du type de diabète dont soufre le patient", explique-t-elle. "Si le traitement est insulinique, nous conseillons aux malades ne pas suivre le ramadan. Nous leur rappelons que suivre le jeûne dans ces conditions les exposent à des risques d'hypoglycémie grave et un risque pour leur vie... En général cette recommandation est bien suivie".

"Par contre, dans le cas de patients qui ont un diabète de type II et doivent prendre des médicaments par voie orale, la situation est différente. Si le diabète est bien équilibré, que la personne est bien éduquée vis-à-vis de sa maladie, faire le ramadan est envisageable." Il est alors possible pour le patient d'adapter la prise de ses médicaments et de prendre le traitement, habituellement réparti en deux ou trois prises pendant la journée, le soir. L'ajustement du traitement relève résolument du cas par cas et doit être discutée avec le prescripeur. "Le malade peut aussi étaler la prise des antidiabétiques oraux sur la soirée, en fonction du nombre de repas qui sont pris pendant la nuit. Nous pouvons aussi alléger le traitement, si nécessaire".

En revanche, pour tous les diabétiques, une surveillance scrupuleuse de la glycémie s'impose durant la journée. Et il est préférable de rester raisonnable une fois la nuit tombée… "Les patients doivent limiter au maximum la consommation de sucre, rapides et lents, durant la nuit. Ou tout du moins d'essayer", déclare le Dr El Jabri.

Le médecin, une "autorité" morale ?

"En cas de diabète mal équilibré, le veto du médecin est total", rappelle la diabétologue. Mais même si les musulmans respectent beaucoup la parole médicale, difficile pour les professionnels de santé de faire figure d'"autorité", tant les convictions religieuses pèsent lourd. Le rite a un impact social énorme. Les réflexes et le manque de prise de recul par rapport aux rites religieux peuvent amener les pratiquants à observer le jeûne malgré tout. Isabelle Lévy, formatrice en milieu hospitalier et en institution sur le thème des rites, des cultures et des religions "reste dubitative et plutôt pessimiste" sur ces questions. "Je ne suis pas sûre que la "blouse blanche" puisse avoir suffisamment de poids face aux croyances religieuses", nous confie-t-elle.

Musulmane elle-même, le Dr Leila El Jabri admet que partager la même appartenance religieuse que ses patients lui donne une plus grande crédibilité : "Avoir une connaissance des écrits coraniques est un atout incontestable pour converser avec les patients musulmans sur ces thèmes."

"Evidemment, il y a des têtes brulées, constate-t-elle. Mais que ce soit pendant le ramadan ou pendant tout le reste de l'année".

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