Phénols : des garçons plus petits

Une récente étude épidémiologique vient de démontrer que 95 % des femmes enceintes sont exposées à certains phénols, ces substances chimiques présentes notamment dans notre alimentation, et notre environnement du quotidien. Pire encore : les chercheurs ont observé que cette exposition avait un impact sur le poids de naissance des petits garçons.

La rédaction d'Allo Docteurs
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L'idée était simple. Restait à l'appliiquer. Analyser l'urine des femmes enceintes pour savoir si elles contiennent des substances chimiques. Le résultat est surprenant : dans 95 % des cas, on retrouve des traces de polluants appartenant à la famille des phénols et des phtalates.

Tel est le résultat d'une étude coordonnée par l'Inserm de Grenoble, avec d'autres équipes Inserm, et les Centers dor Disease Control (USA) et publié dans la revue Environmental Health Perspectives, le 7 septembre 2011. Mais les chercheurs ne s'arrêtent pas là. Ils ont observé la croissance du fœtus sur les trois échantillons de femmes enceintes recrutées pour l'étude en Bretagne et dans les agglomérations de Nancy et Poitiers. Conclusion : les femmes les plus exposées à certains produits chimiques avaient donné naissance à des enfants moins lourds. Plus précisément à des garçons plus petits, car l'analyse a été restreinte aux petits garçons. Bref, on a là le signal que ces polluants, reconnus comme des perturbateurs endocriniens, viennent perturber aussi le poids de naissance des bébés. Il s'agit plus précisément des dérivés du 1,4-Dichlorobenzène (présent dans les antimites jusqu'en 2009), de la benzophénone 3 (utilisé comme anti-ultraviolet dans les crèmes solaires), et du bisphénol A.

Un impact inquiétant ?

"Difficile à estimer", répond Remy Slama, coordonnateur de cette étude pour l'Inserm. "On sait qu'il y a bien un impact de ces produits sur le poids de naissance, mais on peut difficilement donner une valeur exacte. Il y a des femmes, chez qui les polluants n'ont eu aucun effet sur le poids de leurs bébés". Concernant, par exemple, l'exposition au Dichlorophénol, utilisé jusqu'en 2009 en France comme insecticide, notamment dans les boules antimites, "si on classe les femmes en trois groupes, du moins exposé au plus exposé, on observe entre les deux valeurs extrêmes, une diminution du poids de naissance de 150 grammes environ", nous explique Remy Slama.

Le bisphénol A

Les chercheurs sont pour l'instant les premiers à avoir découvert un lien entre Bisphénol A et poids de naissance. En effet, "la recherche a mis en évidence une augmentation du poids et du périmètre crânien à la naissance, associée aux plus forts niveaux urinaires de bisphénol A et de benzophénone 3 chez les mamans", soulignent les auteurs de l'étude. C'est la première fois que des chercheurs observent un tel lien. Les résultats devront être confirmés sur un nombre de nouveau-né plus élevé.

On savait que certains phénols perturbaient le système endocrinien, susceptibles de causer des effets sanitaires à court ou long terme durant la vie intra-utérine. "On voit bien là, à travers cette étude, qu'il y a bien un signe qu'il se passe quelque chose biologiquement", rappelle Remy Slama, à l'Inserm. "Le poids de naissance est associé à la survenue de certains troubles dans l'enfance ou à l'âge adulte. On peut penser que cette exposition ait un impact aussi sur la santé future de ces enfants que nous sommes en train de suivre". La question de l'impact sanitaire chez l'humain est importante, puisque l'on voit ici que la plupart des femmes enceintes sont exposées à ces substances, contre lesquelles le placenta ne constitue pas généralement une barrière efficace.

Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles perspectives. Le consortium de recherche associant des équipes Inserm de Grenoble, Rennes et Villejuif, soutenu par l'Anses 'Agence national de sécurité sanitaire) compte élargir sa recherche. "L'idée est de travailler maintenant sur le lien entre l'exposition à ces produits chimiques, et le risque de naissance prématurée, les malformations congénitales chez les garçons, les troubles de la croissance de l'enfant", nous révèlent les chercheurs de l'étude. 

Source : "L'exposition des femmes enceintes aux phénols perturbe le poids de naissance des garçons",
Inserm, 12 septembre 2011

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