Pourquoi je pleure après l'amour ?

Un rapport sexuel est censé apporter du plaisir et des émotions positives. Pourtant, certains sont envahis par la tristesse, les larmes ou l'irritabilité. C'est la "dysphorie post-coïtale" ou le blues après le sexe...

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Pourquoi je pleure après l'amour ?
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Un phénomène peu connu mais pas si rare

Si les hormones produites après un rapport sexuel tendent à procurer un sentiment de plénitude chez la majorité des personnes, certaines peuvent ressentir de la tristesse, de la mélancolie, de l'agitation ou une certaine agressivité. Certaines éclatent en sanglots alors même que le rapport a été satisfaisant et en dehors de toute dépression.

Le blues après le sexe reste mal connu et peu étudié. Les études concernent essentiellement les femmes, mais les spécialistes constatent qu'elle concernerait aussi les hommes (d'ailleurs, ne qualifie-t-on pas l'orgasme de "petite mort" ?) Déjà au 2ème siècle après JC, le médecin grec Galien constatait que "tout être vivant est triste après l'amour, excepté le coq et la femme". Si l'après-coït chez le coq n'a jamais été étudié à ma connaissance, quelques études chez les femmes sont parues ces dernières années !

Ce trouble est-il fréquent ?

Les chiffres sont assez variables d'une publication à l'autre : l'une, menée par le Dr Schweitzer en 2011 retrouve un chiffre de 3,7% de femmes avec au moins un épisode de dysphorie dans les 4 semaines précédant l'étude et de 7,7% de femmes qui présentent une dysphorie de façon persistante au cours de la vie. En revanche, des travaux de 2015 publiés dans le Woman's sexual health et évaluant la fréquence et les corrélations psychologiques, ont retrouvé 5% de femmes avec au moins un épisode de dysphorie dans les 4 semaines et de 46% de femmes pour lesquelles ce symptôme persiste au cours de la vie. Une autre étude dirigée par le Dr Bird en 2011 a constaté des chiffres plus proches, de respectivement 10% et 32,9%. Finalement, le blues après l'amour est une réalité assez fréquente pour les femmes.

La fréquence chez les hommes n'est en revanche pas connue mais le Pr Schweitzer a lancé en 2017 une nouvelle étude pour évaluer la fréquence dans les deux sexes, postulant que les hommes sont aussi concernés. 

Quelles sont les causes de la dysphorie post-coïtale ?

Il est fort probable que des facteurs à la fois psychologiques et affectives interviennent, voire même génétiques. La chute brutale des neurotransmetteurs sécrétés lors du rapport et de l'orgasme (notamment l'ocytocine, l'hormone de l'attachement, mais aussi les endorphines, la sérotonine, etc) est souvent évoquée. Chez certains, la volonté de fusion avec son ou sa partenaire sera brutalement interrompue lorsque l'union charnelle se termine et la séparation peut être très mal vécue. L'analyse semble pertinente mais le lien n'était pas significatif dans l'étude de 2015. 

D'après certains psychologues, de telles réactions peuvent aussi témoigner d'un vécu différent de son partenaire (par exemple, lors d'une relation qui bat de l'aile ou en cas d'histoire d'un soir, ou avec un sexfriend). Mais elles ne s'expliquent pas forcément à cause d'une mauvaise relation de couple puisque la dysphorie survient alors même que le rapport est initié volontairement et jugé satisfaisant (et chez certaines, elle survient après la masturbation).

Un psychiatre américain, le Dr Friedman, avait émis l'hypothèse en 2005 que l'amygdale était en cause, cette glande cérébrale régulant les réponses émotionnelles du corps. Mise en pause le temps du rapport, elle aurait une activité de rebond juste après chez les personnes en proie au blues. D'autres études avaient retrouvé une composante génétique ainsi que l'association avec un antécédent d'abus sexuel, la qualité et la satisfaction de la relation, ou encore une détresse psychologique

L'équipe de 2015, avait également retrouvé une corrélation avec un abus sexuel chez l'enfant et l'adulte mais le lien n'était significatif que chez l'âge adulte. Un type d'attachement particulier avait aussi été mis en avant, l'attachement dit désorganisé (évitant et anxieux).

A lire pour plus de détails : Le blues après l'amour

Comment réagir ?

Le blues après l'amour laisse aussi bien la personne qui le ressent que son ou sa partenaire totalement démunis. Toutefois, l'orgasme est une telle mise en tension physique, psychique et émotionnelle qu'il n'est pas anormal d'être envahi(e) par la tristesse, la mélancolie, ou même la joie. C'est une réaction humaine comme une autre dans un continuum d'émotions possibles... Mais notre société accepte mieux les réactions positives que les négatives et elle a tendance à considérer ces dernières comme anormales. Alors qu'elles sont simplement des émotions comme les autres... De plus, si la société tend à banaliser la sexualité, il ne faut pas oublier que les rapports sexuels mettent à nu au sens propre comme au figuré et majorent la vulnérabilité.

La survenue du blues après le sexe est un évènement qui n'est pas rare, qui n'a rien d'anormal dans la plupart des cas et qui peut être relativisé.

En revanche, s'il provoque une souffrance ou des interrogations perturbantes, il est préférable d'en parler à un sexologue, médecin ou psychologue. Cela permettra d'analyser le contexte de survenue, d'être rassuré(e) sur la qualité de sa relation à l'autre (qui n'est pas forcément en cause), de faire un travail sur soi s'il est nécessaire (par exemple, si une volonté de fusion trop importante est en cause, développer son indépendance est intéressant). De même, si la dysphorie est en lien avec une agression sexuelle, une psychothérapie est recommandée.