Fichage des gilets jaunes : l’AP-HP reconnaît des erreurs

Lors des manifestations des gilets jaunes, le passage de certains blessés dans les hôpitaux parisiens de l'AP-HP a été notifié dans le fichier SI-Vic. L’AP-HP, admet que ce fichier n’aurait pas dû contenir de données médicales.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

La polémique est née au début de cette année au cœur du mouvement des gilets jaunes. Mediapart puis le Canard Enchaîné ont dénoncé le fichage des manifestants blessés pris en charge dans les établissements de l’AP-HP, l’Assitance Publique des Hôpitaux de Paris.

  • Le fichier « Si-Vic » : de quoi parle-t-on ?

Si-Vic… c’est un acronyme pour système d’information pour le suivi des victimes. Ce dispositif géré par le Ministère de la santé a été créé au lendemain des attentats de Paris en 2015 pour mieux prendre en charge les blessés et informer plus rapidement les proches en cas de situation sanitaire exceptionnelle… comme une attaque terroriste, un grave accident sur la voie publique, ou encore une explosion.


Si-vic est déclenché à la demande des Agences régionales de santé, autorités en la matière. En Ile-de-France, le fichier a été activé pour 3 manifestations des gilets jaunes depuis le début de l'année par crainte d’un afflux massif de blessés dans les hôpitaux. Car ce dispositif permet aussi de comptabiliser les victimes et selon les autorités, de faciliter la régulation sanitaire.

  • Quelles sont les informations recueillies dans ce dispositif ?

Il comprend plusieurs rubriques. « Identité » où le nom, la date de naissance ou encore l'adresse du patient sont demandées. « Prise en charge hospitalière » où il  faut indiquer son heure d'arrivée du patient ou encore son statut médical : retour au domicile, hospitalisation ou décès. Enfin, la dernière rubrique concerne les personnes à contacter. 


Autant d'informations nominatives et administratives qui doivent permettre d'identifier le patient et d'informer les proches. Mais selon le Ministère de la Santé, aucune information sur la nature des blessures du patient ne doit figurer dans Si-Vic. Secret médical oblige...

  • Pourquoi parle-ton de "fichage" des gilets jaunes ?

En effet, certains personnels hospitaliers auraient utilisé la case « commentaires » des fiches Si-Vic pour préciser des informations médicales sur les patients… C’est le Canard Enchaîné qui a révélé l’information le 24 avril dernier... « Tuméfaction ORL, plaie oreille, Traumatisme main gauche »... Dans cette édition, des extraits du fichier Sivic prouvent que les hôpitaux ont renseigné des données sur la nature des blessures des patients...   

  • Quelles sont les explications de l'AP-HP ?

Selon François Crémieux, directeur adjoint de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, il ne s’agirait que d'erreurs à la marge, ne concernant pas plus d’une dizaine de patients. Cette fameuse partie « commentaires » était destinée à faciliter l’identification lorsqu’elle est rendue difficile par l’état des personnes au moment de leur accueil. Avec par exemple le fait de noter leurs conditions vestimentaires. Le fait que du personnel y ait inscrit des informations médicales était anormal et des rectifications sont en cours pour qu’il n’y ait, je le cite « plus jamais ces informations dans le dossier SI-Vic. »

  • Qui peut consulter le fichier Si-Vic?

Selon la Direction Générale de la Santé, seules les autorités sanitaires avaient accès à ces informations... mais en cas d’attentat et uniquement en cas d’attentat, le ministère de l’Intérieur pouvait lui aussi consulter ces données.


On ne demande qu’à croire sur parole le Ministère de la Santé… mais les textes de loi ne sont pas si clairs…  Le décret de mars 2018 qui cadre l'outil numérique Si-Vic entretient le flou... et ne fait pas de distinction entre les attentats et les autres situations. Il est écrit :  "Seuls les agents des agences régionales de santé, du ministère de la santé et des ministères de l'Intérieur (...) sont autorisées à accéder aux données (...) dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à l'exercice des missions qui leur sont confiées". En théorie, les agents du ministère de l’intérieur pourraient donc avoir accès aux fiches des gilets jaunes… 

  • Certains médecins craignent un système de fichage

Exactement, c’est le cas du Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France. Pour lui, c’est un système de fichage qui est adapté en cas de catastrophe mais complètement inadapté dans le cadre de mouvements sociaux. Il y voit même un détournement de dispositif  pour pouvoir repérer les blessés pour d’éventuelles poursuites judiciaires.

  • Les patients sont-ils informés de ce fichier ?

Le personnel hospitalier ne semble pas prévenir automatiquement les blessés de ce fichage… Résultat : les manifestants sont répertoriés dans Si-Vic à leur insu… Or, ces pratiques contreviennent aux consignes de la Commission Nationale de l’Information et des Libertés. Pour cette autorité, le corps médical a l’obligation de prévenir les patients.


Le 19 avril dernier, un gilet jaune a annoncé vouloir porter plainte contre X pour un possible fichage illicite. Pour lui, son nom a été enregistré dans ce fichier sans son accord. Du côté de la direction des hôpitaux de Paris, on regrette cet état de fait mais on l’assure : les professionnels de santé ont été rappelés à l’ordre et dans la prochaine version du Si-Vic, prévue en juin prochain, les patients  fichés devraient bénéficier d’un document d’information. 

Par ailleurs, une mission d’enquête a été lancée le 25 avril dernier pour retracer les usages du fichier Si-Vic ces dernières semaines et s'assurer qu'il n'y a pas eu d'abus dans son utilisation. Point d'étape à la mi-mai.