Des embryons de porcs porteurs de cellules humaines

En injectant des cellules souches de rat dans des embryons de souris, des chercheurs sont parvenus à obtenir des souris intégrant dans leur organisme des tissus de rats, sans rejet. L’expérience a été reproduite avec des embryons de porcs et des cellules souches humaines. Ces embryons se sont avérés viables, jusqu’à l’interruption de l’expérience à quatre semaines.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Pour la première fois, des chercheurs sont parvenus à incorporer des cellules souches humaines dans des embryons de porc, et à maintenir le développement de cette chimère cellulaire durant un mois, selon une étude publiée ce 26 janvier dans la revue scientifique Cell.

Si ces travaux venaient à être confirmés, ils constitueraient un premier pas vers le développement d'organes humains dans des animaux, qui pourraient être récupérés et greffés à des personnes malades. Selon Juan Carlos Izpisua Belmonte, professeur à l'Institut Salk d'études biologiques à La Jolla, en Californie, co-auteur de ces travaux, "le but ultime est de cultiver des tissus ou des organes humains (pancréas, foie, coeur...) chez des animaux comme des truies qui pourront être greffés sans rejet, mais nous en sommes encore loin". Mais il souligne la grande difficulté de cette expérience menée avec quelques 1.500 embryons porcins pendant quatre ans.

Une expérience en trois phases

L’étude s’est déroulée en trois temps. Tout d’abord, des cellules souches de rat ont été incorporées à des embryons de souris aux tous premiers stades de développement, avant transfert dans l’utérus de souris. Le protocole expérimental retenu a conduit à la naissance de souriceaux dont une partie des cellules étaient celles du rat "donneur" : chez certaines souris, un pancréas, un coeur ou des yeux de rat se seraient développés, sans phénomène de rejet.

Dans une deuxième phase, les chercheurs ont tenté d’incorporer les cellules souches de rat dans des embryons de porc. Plusieurs semaines après transfert dans l’utérus de truies, les embryons n’ont toutefois pas présenté de chimérisme (caractère d'un organisme formé de plusieurs populations de cellules génétiquement distinctes), probablement du fait de trop grandes différences physiologiques entre les deux espèces.

L’expérience a enfin été réalisée avec des cellules souches humaines "induites" (c'est-à-dire avec les cellules d’un organisme adulte qui ont été artificiellement reprogrammées en cellules non spécifiques, susceptibles de différencier en n'importe quelle autre cellule de l'organisme), insérés dans des embryons de porc à leur 5e ou 6e jour de développement. Après transfert dans l'utérus de truies, les chercheurs ont laissé ces embryons se développer seulement pendant quatre semaines (comme le stipulent les réglementations), observant que les cellules humaines avaient commencé à former du tissu musculaire. Cette expérience n'a pas été menée jusqu'à son terme avec la naissance de porcelets en partie humains, un sujet très controversé qui soulève d'importantes questions éthiques.

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs précisent que la proportion de cellules souches humaines dans leurs expériences était très faible.

Des réactions enthousiastes, mais prudentes

Bruce Whitelaw, professeur de biotechnologie animale à l'Université d'Edinbourgh au Royaume-Uni, estime que ces travaux sur les embryons chimères humains-porcins, à laquelle il n'a pas participé, sont "emballants" car "ils ouvrent la voie à des avancées importantes" dans ce domaine.

Cette étude devrait aussi aider à mieux comprendre l'évolution des différentes espèces et les maladies, estime Darren Griffin, professeur de génétique à l'Université de Kent, qui n'a pas non plus été impliqué dans cette expérience.

Celui-ci insiste également sur "l'importance que les futures études soient menées en toute transparence pour permettre une surveillance et un débat public".

avec AFP