Handicap et emploi : quelles initiatives chez nos voisins ?

À l'occasion de la Semaine de l'emploi des personnes handicapées, Géraldine Zamansky, journaliste du Magazine de la santé, fait le point sur les bonnes initiatives développées à l'étranger pour leur faciliter l'accès au monde du travail.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Au Danemark, le projet de Thorkil Sonne est né en 2004. Quand on lui a annoncé que son fils était autiste, il ne savait absolument rien de ce que cela signifiait vraiment… Il a en particulier découvert que son fils, Lars, n'avait pratiquement aucune chance d'intégrer le monde du travail. Il a alors hypothéqué sa maison et créé, avec l'aide de sa famille, une entreprise originale. Son idée est d'inverser la donne : ne pas regarder que les côtés difficiles de l'autisme de Lars qui a aujourd'hui 14 ans mais aussi ses étonnantes compétences. 

Le projet de Thorkil Sonne au Danemark

Concrètement, cela donne une entreprise d'expertise en informatique où son fils pourrait trouver sa place plus tard. Car cette forme d'autisme est souvent associée à une capacité à rester concentré plus longtemps que la majorité d'entre nous, à une attention très fine aux détails, un grand sens logique, une intolérance complète aux erreurs… Bref, des cerveaux très précieux pour concevoir et contrôler des logiciels par exemple ou encore des bases de données.

En attendant que Lars puisse en bénéficier, Thorkil Sonne a donc fondé Specialisterne, ce qui signifie "Les Spécialistes" ou plus vendeur, "Les Experts ». Et ces experts sont autistes. Selon leur parcours, ils ont soit cinq mois de préparation, soit une formation de trois ans. Une fois recrutés, l'organisation du travail est adaptée à eux. On ne leur demande pas d'avoir un fort esprit d'équipe, de savoir faire face au stress ou de s'adapter aux changements… L'entreprise sert d'interface avec les entreprises informatiques qui font appel à eux.

Cette méthode est efficace et son idée s'est développée dans d'autres pays. Au Danemark, ils sont désormais plus de 30 employés à temps plein. L'équipe de Thorkil Sonne facilite l'ouverture des portes d'autres entreprises à ces experts particuliers. Avec des "filiales" qui développent désormais cette petite révolution dans dix pays, de l'Irlande à Singapour en passant par l'Espagne ou les Etats-Unis. En Inde par exemple, un fabricant international de logiciels va lui-même directement recruter 60 autistes. En Australie, un projet est en cours avec un grand producteur de matériel informatique. Leur objectif est d'atteindre le million d'emplois dans les cinq prochaines années. Et cela semble réalisable depuis que Thorkil Sonne a parlé de ce projet aux Nations unies à l'occasion de la Journée mondiale de l'autisme le 2 avril 2015.

Sara Mae Hickey, elle, vit dans le nord de l'Etat de New York. L'origine de sa mobilisation est l'autisme très handicapant dont souffre sa petite soeur. À tout juste 24 ans, elle a décidé d'ouvrir un salon de thé, le "Puzzles Bakery & Cafe", avec l'aide de ses parents, de fonds collectés pendant des mois et son équipe constituée pour moitié de jeunes souffrant d'un trouble de la relation. Malheureusement, sa soeur ne peut pas en faire partie mais cela change vraiment la vie de ses employés.

Avoir un métier réduit le retentissement du handicap

En fait, les entreprises classiques ne leur ouvrent pas du tout leurs portes. Alors que c'est important pour eux. Cela leur donne une place dans la société et un revenu. Avoir un métier réduit le retentissement du handicap dans leur vie. Avec une influence indirecte et même parfois directe sur le trouble lui-même. Car le fait d'avoir des interactions sociales régulières et apaisées peut être bénéfique. Et ce n'est pas utopique, comme le montre l'exemple du Puzzle’s Cafe. Maddy fait le service. Ses difficultés ne l'empêchent pas d'avoir des activités en relation avec la clientèle. Tout dépend en fait de notre capacité d'adaptation à "nous", qui sommes définis comme plus proches de la "norme".

Sara Mae a expliqué à toute son équipe les spécificités de Maddy et Zac par exemple. Et les clients sont bienveillants, acceptant les différences de service dans ce salon de thé, pas comme les autres. Sara Mae est d'ailleurs fière de la rentabilité de son projet : l'objectif n'est pas de faire des profits mais d'être autonome. Et elle rêve surtout de voir naître beaucoup d'autres Puzzle's Cafe ! Car, aux Etats-Unis, moins d'un jeune adulte souffrant d'autisme sur cinq a un emploi.

À Copenhague, TV Glad est la première chaîne de télévision réalisée par des personnes handicapées et pour des personnes handicapées. L'idée de cette chaîne est née en 1999. Ses créateurs sont formés aux métiers de la télévision. Les personnes qui y travaillent souffrent de tous les types de handicaps. Paralysie, surdité, cécité, trisomie 21, troubles du comportement… Chacun trouve la mission qui lui convient, y compris la présentation des émissions.

En 2004, ils ont même créé une véritable école. Le concept s'est élargi avec la naissance d'une école des vocations Glad. Aujourd'hui, elle rassemble pour trois ans de formation 80 élèves dans plusieurs filières. La télé bien sûr, mais aussi le design, la cuisine ou la radio par exemple. Avec à chaque fois, à côté, une véritable entreprise qui peut recruter les jeunes diplômés : Glad design, Glad Alimentation, Glad café… Un projet salué par le gouvernement danois qui a participé au financement d'un nouveau cursus de cinq ans sur le modèle de la formation en alternance avec des employeurs extérieurs.